Deux ou trois choses que je sais d’elle et le débat des grands ensembles

Jacqueline Maurer
Questions d’échelle et de justesse entre cinéma, architecture et urbanisme.
Deux ou trois choses que je sais d’elle (1967) de Jean-Luc Godard et le débat des « grands ensembles »

Résumé
Dans Deux ou trois choses que je sais d’elle de Jean-Luc Godard, un grand ensemble endosse le rôle de protagoniste. Le film élabore une critique du décor qu’incarne le HLM (Habitation à Loyer Modéré) et prend part à un débat agitant au même moment la presse, les revues spécialisées et la télévision[i]. Au sein de ce débat, une majorité désapprouve l’échelle inhumaine de ces aménagements urbains. La vie (commune) y est souvent caractérisée par le manque de communication, l’isolement et l’aliénation, contrastant avec l’appellation même de « grand ensemble » dérivée du principe de construction. Au moyen du film, Godard tente de saisir métaphoriquement le « grand ensemble » que représente la vie de la France contemporaine.

Mots-clés
Jean-Luc Godard, Deux ou trois choses que je sais d’elle, grand ensemble, décor, décorum, échelle, proportion, justesse, convenance.

Texte traduit de l’allemand par Clara Pacquet.

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La participation de Godard au débat sur les grands ensembles

De grands chiffres et lettres clignotants, le plus souvent tricolores, introduisent le « film enquête[2] »  Deux ou trois choses que je sais d’elle. Dès la séquence-titre introductive, une typographie animée et accompagnée de bruits de chantier informe les spectatrices et les spectateurs du film que le pronom « elle » désigne la région parisienne.

Figure 1. (© Argos Films © 2004 DVD Argos Films – Arte France Développement)

Les films de Godard des années 1960 ambitionnent de documenter la modernisation de Paris et mettent en scène certains des plus importants projets de construction nationaux, contrastant ainsi avec les bâtiments iconiques de la ville habituellement célébrés par les cinéastes de la Nouvelle Vague[3]. En accusant dans le prologue de Deux ou trois choses explicitement Paul Delouvrier, préfet de la région parisienne, le cinéaste rentre immédiatement dans le vif du débat controversé sur le logement et l’aménagement urbain en France.

Fait significatif, Godard critique le gouvernement de Gaulle concernant sa toute récente politique d’urbanisme. Le « elle » placé à côté de l’actrice Marina Vlady désigne tout à la fois la comédienne, le rôle de la citadine Juliette Janson, mais également le grand ensemble[4] dans lequel celle-ci habite. Les HLM promus par l’État et produits en masse sont pour Godard exemplaires du gouvernement de droite qu’il veut dénoncer ; l’État s’adonnant selon le cinéaste au capitalisme importé des États-Unis et son consumérisme, auquel l’ensemble des couches de la population se livre démesurément.

Inspiré du récit Le signe (1886) par Maupassant et d’une enquête parue le 23 mars 1966 dans Le Nouvel Observateur[5], le personnage de Juliette incarne une habitante d’un HLM de la périphérie parisienne qui se prostitue occasionnellement. Contrairement aux femmes qui se prostituent pour subvenir à leurs besoins premiers, Juliette exerce cette activité afin d’acquérir, en tant que membre à part entière de la société de consommation, des biens de consommation vantés par les médias de masse et dans le paysage urbain à l’image des panneaux publicitaires. Les épisodes présentés de manière désordonnée dépeignent 24 heures de la vie de Juliette et sont accompagnés d’un commentaire off chuchoté par Godard dans lequel il prétend, pendant les 83 minutes du film, que ce que nous regardons est en train de se faire, interrogeant et négociant sans cesse les conditions de représentation : « Mais est-ce bien ces mots et ces images qu’il faut employer ? Sont-ils les seuls ? Est-ce qu’il n’y en a pas d’autres ? Est-ce que je parle trop fort ? […] Est-ce que je regarde de trop loin ou de trop près ? » [6].

Déjà pendant la phase de production proprement dite, Godard déclarait qu’il s’agissait de son projet le plus ambitieux à ce jour. Il conçut le film comme un assemblage expérimental, comme un laboratoire. Alors qu’il s’exprimait sur le film Made in U.S.A. réalisé en même temps que Deux ou trois choses, Godard évoquait le projet sur les grands ensembles en ces termes :

[Ce] film est beaucoup plus ambitieux. À la fois sur le plan documentaire, puisqu’il s’agit de l’aménagement de la région parisienne, et sur le plan de la recherche pure, puisque c’est un film où je me demande continuellement moi-même ce que je suis en train de faire. Il y a, bien sûr, le prétexte qui est la vie, et parfois la prostitution dans les grands ensembles. Mais l’objectif réel, c’est d’observer une grande mutation comme celle que subit aujourd’hui notre civilisation, et de m’interroger sur les moyens de rendre compte de cette mutation[7].

Si Deux ou trois choses place en son centre la prostitution – thème récurrent dans l’œuvre de Godard –, ce n’est pas tant dans son sens courant qu’envisagé comme « modèle réduit et [comme] métaphore de l’ensemble des rapports sociaux dans nos sociétés capitalistes[8]». Le cinéaste diagnostique dans l’architecture même des grands ensembles une invitation à la lecture métaphorique. L’inhumanité de leurs échelles et le dessin monotone de leurs façades, lesquels ont suscité jusqu’à aujourd’hui de nombreux débats, sont le résultat d’une stratégie de planification urbaine à grande échelle et, par voie de conséquence, de la standardisation des composants de la construction et des processus de production. Pour remédier au manque de logements, des centaines de milliers d’unités d’habitation sont produites à moindre coût selon les principes d’une production de masse dénuée de toute réflexion sur le sens des échelles produites, la préfabrication et les rayons de grue fixant les normes économiques[9]. Les analogies opérées par Godard pour décrire les gigantesques bâtiments en béton relevaient déjà du lieu commun ; Françoise Choay reconnaissait en 1959 dans les grands ensembles des « [c]ités psychiatriques », de « tristes casernes » et des « villes concentrationnaires »[10]. Semblablement, Godard reconnaît dans l’aménagement de la région parisienne un instrument de contrôle des citoyennes et des citoyens. Ce phénomène semble anticiper ce que Foucault théorisera près de 10 ans plus tard à travers le concept de panoptisme et le pouvoir de l’architecture conçue comme machine de contrôle dans une société disciplinaire[11].

Le décor au cinéma et le décor en milieu architectural, une polarisation entre échelle et justesse

Les objets et les agencements de recherche de Godard dans Deux ou trois choses montrent clairement que la catégorie de l’échelle et les questions de justesse et convenance qui y sont associées, sont la charnière où s’entremêlent les études cinématographiques, architecturales et urbanistiques. Les concepts de décor et de decorum peuvent ici nous servir de cadre de référence. Déjà en 1962, et à plusieurs reprises par la suite dans sa carrière, Godard soulignait :

Ce qui m’aide à trouver des idées, c’est le décor. Souvent, même, je pars de là. […] Je me demande comment on peut placer le repérage après la rédaction du scénario. Il faut d’abord penser au décor. […] On ne vit pas de la même façon dans des décors différents[12].

Les grands principes du réalisme et du naturalisme dans la littérature et le théâtre du XIXe siècle sont repris dans l’enquête structuraliste menée par Godard avec Deux ou trois choses, notamment la volonté de réaliser une « vue d’ensemble » de la France contemporaine (Balzac et sa Comédie humaine[13]), la prétention à connaître les décors réels et la « documentation » (Flaubert[14]), l’agencement expérimental (Zola[15]) de l’œuvre, le thème de la prostitution et l’importance accordée à la compréhension du milieu à l’origine même de l’existence des protagonistes qu’il détermine dans leurs actions et leurs gestes[16].

Dans le domaine du cinéma, l’architecte et décorateur Roger Mallet-Stevens reconnaît dans les décors une fonction de protagoniste, une idée qu’exprime le titre de ses écrits de type manifeste publiés en 1929[17]. Vingt ans plus tard, dans son article Le Décor est un acteur, André Bazin met en lumière le « réalisme et [le] symbolisme du décor », ainsi que son potentiel comme « document psychologique et social »[18].

Contrairement à l’usage de ce mot en anglais et en allemand, le terme « décor » fait référence en français non seulement au théâtre et au cinéma, mais aussi à l’environnement réel. Étymologiquement, « décor » est dérivé du français decore qui, vers 1600, exprimait « ce qui convient ; bienséance[19] »[20]. Les synonymes decorum et aptum ont été théorisés par la rhétorique antique (Cicéron, Horace, Quintilien ; Platon, Aristote) et la théorie architecturale (Vitruve, Alberti, Viollet-le-Duc), ainsi que par la théorie de la peinture à la Renaissance (Alberti), soulignant la dépendance de la bonne proportion vis-à-vis du « [p]rinciple of appropriateness »[21]. Dans le domaine des arts visuels, ces notions ont trait au contrôle de la composition, de la représentation et du lieu[22]. Le decorum intègre donc les principes interdépendants d’échelle et de convenance qui ont été préservés dans l’orthographie de la langue allemande : Massstab (échelle, mesure) et Angemessenheit (convenance, justesse).

Reconnaître en l’échelle une catégorie[23] méthodologique et épistémologique va au-delà de principes mathématiques et d’échelle en impliquant également des aspects culturels, sociaux, psychologiques et philosophiques. Les questions d’échelle dans le domaine de l’architecture, de l’urbanisme, du cinéma et plus généralement des arts visuels ont toujours façonné le processus créatif et l’examen critique des artefacts (in)convenables. Les échelles définissent et décrivent le processus de conception et de production, dans la mesure où elles sont une méthode pour comprendre et critiquer les œuvres et les aspects sociaux. Les échelles mettent en lumière les relations, elles génèrent et dévoilent des hiérarchies de sens. Dans le concept de decorum, qui remonte à l’Antiquité, s’unissent des préoccupations morales et finalement éthiques, visant le consensus[24]. La proportionnalité naît de l’interaction de facteurs physico-quantitatifs et métaphysiques-quantitatifs[25], qui sont toujours liés à l’échelle humaine : « En tant que concept, l’échelle est en effet inconcevable si elle est séparée de sa référence et de l’inscription implicite du corps humain comme mesure de toutes choses[26]. »

Le decorum de Godard

Dans un geste autoréflexif, Godard fait de l’exploration cinématographique des « mutations » de la société française visée par Deux ou trois choses son propre objet d’investigation. Cette volonté de se confronter au médium de la représentation repose sur la conscience qu’a Godard du fait que nous percevons toujours le monde à travers la reproduction d’images, cette dernière étant intensifiée par les médias de masse[27]. Notre construction de la réalité est durablement influencée par les médias visuels[28].

Au début du film, Godard présente son exploration des échelles spécifiques aux médias de manière analogue à une exposition cinématographique : la séquence de titre décrite en début de texte mesure le potentiel du format grand écran, les échelles de plan, le montage et les couleurs. Après sa première apparition graphique, la signification du « elle » est élargie à la fois par l’image et le commentaire murmuré de Godard. En deux plans successifs, le réalisateur présente dans le prologue l’actrice Marina Vlady puis l’héroïne qu’elle incarne – Juliette Janson (Figure 2.1-2.2) – toutes deux d’autres incarnations du « elle ». Presque identiques, donc aussi légèrement différents, ces deux plans créent une impression de double, tandis que leur ordre d’apparition n’est pas anodin : l’interprète du rôle précède le personnage fictif. Une référence explicite à Bertolt Brecht y est faite : l’impératif « effet de distanciation ». Aussi, la composition du premier plan du film introduit de façon quasi schématique les composantes topographiques de la région parisienne, un plan au sein duquel la figure, le grand ensemble, la périphérie et la ville apparaissent les uns derrière les autres en ordre décalé. La voix-off murmurée par Godard commente et questionne l’image simultanément.

Figure 2.1. L’actrice Marina Vlady (© Argos Films © 2004 DVD Argos Films – Arte France Développement)
Figure 2.2. L’héroïne Juliette Janson

La méthode de recherche employée par Godard et mentionnée en off fait allusion à la méthode philosophique et sociologique de la déduction[29]. Tout au long du film, l’usage de la caméra alterne à plusieurs reprises entre le gros plan et le plan large dans la prise de vue de sujets et d’objets de valeur égale. Ceci peut être comparé au microscope et au télescope comme méthodes d’acquisition de connaissances par la combinaison du rapprochement et de l’éloignement, de la vue détaillée et de la vue d’ensemble[30]

En tant que commentaire critique de Godard sur les « mutations » sociales et leur relation avec celles de l’architecture et de la ville en région parisienne, Deux ou trois choses était en accord avec la critique architecturale contemporaine au moment de la sortie du film en mars 1967. Georges Candilis – l’un des plus importants architectes et théoriciens français dans le domaine du logement social – a notamment exprimé son inquiétude au sujet de l’architecture moderne dans l’édition de février/mars 1967 de L’Architecture d’aujourd’hui :

L’architecture dite « moderne » est devenue inconsciemment « péjorative », elle est restée « hors de l’échelle du progrès ». Progrès d’une époque d’étonnants bouleversements, d’une grande époque, qui demande un esprit d’imagination, de recherche, de clarification et de découverte. Découvrir l’habitat, c’est créer l’environnement, le milieu de la vie de l’homme de demain, à toutes les échelles de ses activités. Définir la signification des groupements d’habitation, leur raison d’être, leur grandeur conforme, leur durabilité, leurs possibilités de se transformer et de se développer. Réaliser l’harmonie entre l’individu et le nombre, en mettant en évidence la signification des rapports entre l’homme et la société. Réconcilier l’échelle permanente de l’homme, qui assure la continuité avec l’échelle toujours grandissante et changeante de la société des hommes, qui provoque la mobilité[31].

L’examen des questions d’échelles impliquées par la construction de logements, en particulier de grands ensembles, a commencé bien avant l’observation de Candilis.

Sur les « grands ensembles » et le développement urbain de la région parisienne

Après que la France s’est tournée vers la restauration des infrastructures dans l’immédiat après-guerre, la crise massive du logement n’a été débattue que dans la décennie suivante[32]. Depuis, le logement social est devenu un projet politique de long terme du pays. D’abord célébré par les politiques comme un symbole de progrès économique, une polémique sur les grands ensembles – qui pour la plupart ont été érigés en périphérie – a émergé pendant la période de construction[33]. Les critiques, même dans les milieux politiques, concernent principalement des questions d’échelle, comme le montre clairement une évaluation des revues françaises d’architecture des années 1950 et 1960. Nombre d’observateurs et d’analystes ont reconnu que les plans directeurs d’exécution ne répondaient pas aux besoins des résidentes et des résidents, à la fois dans leur dimension abstraite et dans l’esthétique qu’ils proposaient. Au contraire, une diversité d’options de logement avec des topologies et des échelles différentes était nécessaire. Au lieu d’un plan directeur d’exécution, la planification devait être détaillée et composée en modules plus petits. Afin de favoriser le confort et la mixité sociale, l’introduction d’équipements et d’un ratio proportionnel d’appartements en copropriété a été préconisée[34].

À Paris, la gestion de crise dans le secteur du logement, initiée systématiquement dans les années 1950, s’est caractérisée par la destruction massive des habitations insalubres qui ont été principalement remplacées par la construction rapide de grands ensembles en zone urbaine. Cette première phase « d’improvisation », pour reprendre les propos d’Annie Fourcaut, est suivie en 1958 par le Plan d’aménagement et d’organisation générale (PADOG), dont les objectifs deviennent un dogme : « limiter l’attractivité de la région parisienne, décongestionner Paris, envoyer les industries en province[35]. » Le PADOG prévoit de créer de grands ensembles afin de prévenir la croissance incontrôlée des banlieues et les régénérer. Cette « mission impossible » devait être conduite par le Ministère de la construction et par le premier préfet de la région parisienne Paul Sudreau[36].

En 1965, Paul Delouvrier – secrétaire général du district de la région parisienne, préfet et vice-président de la Direction à l’aménagement du territoire – mit en place le Schéma directeur de l’aménagement de la région parisienne (SDAURP[37]), en remplacement du PADOG. Le SDAURP servit d’instrument de planification à long terme pour un nombre important de développements attendus en région parisienne jusqu’en l’an 2000. Les prévisions futures reposaient quant à elles sur une croissance démesurée de l’économie, de la population et de leurs besoins en termes d’infrastructures, de quartiers industriels, de logements et d’espaces verts[38]. À lire les attentes et les solutions proposées, augmentées par ailleurs par nos lectures complémentaires, indiquent clairement que le Schéma favorisait l’évolution des intérêts économiques : « Pour l’urbanisme, la croissance économique est sans doute plus déterminante encore que la croissance démographique (…) » [39]. Si l’on songe au contexte dans lequel Godard formule sa critique avec les moyens du cinéma, les trois objectifs principaux du SDAURP semblent aussi simples qu’ironiques :

Préparer la région de Paris à son avenir […] c’est rendre la vie meilleure aux millions d’hommes et de femmes, ses habitants d’aujourd’hui et de demain ; c’est faire de cette région un outil économique plus efficace au service de la collectivité nationale ; c’est y mettre en valeur une beauté ancienne, y créer une beauté nouvelle, que le Parisien comme le visiteur du pays le plus lointain puisse aimer[40].

Afin de parvenir à ses fins, le Schéma proposait trois objectifs principaux : la création de nouveaux centres urbains pensés comme villes nouvelles ; la canalisation de l’extension spatiale selon des axes préférentiels sur lesquels la croissance progressive des villes nouvelles serait possible ; et enfin, l’organisation de l’unité région urbaine parisienne[41]. « [S]upprimer le fait et le nom “banlieue” »[42] était le but ultime du SDAURP qui établit un programme conforme à l’idéologie du pouvoir et de la force d’une Ve République moderne. En conséquence, l’étalement urbain incontrôlé des banlieues, qui s’était étendu entre 1850 et 1950 sous une IIIe République affaiblie, devait être dissous[43]. En outre, afin de soulager le « cœur de Paris », de nouveaux centres urbains – les villes nouvelles – devaient être créées à une distance « convenable »[44]. La distinction entre villes nouvelles et grands ensembles, soulignée par les urbanistes, est considérée comme l’un « des grands mythes de l’histoire urbaine contemporaine[45] ».

Finalement, la position du SDAURP est parfaitement résumée par ces deux cartes (Fig. 3.1-3.2) : une première représentant la planification de la zone de Paris et de la banlieue voisine à une échelle de 1:100’000, et une seconde affichant le développement urbain prévu dans le bassin parisien à une échelle de 1:500’000.

Figure 3.1. SDAURP. 1965. Échelle de 1:100’000 (© IAU Ile-de-France)
Figure 3.2. SDAURP 1965. Échelle de 1:500’000 (© IAU Ile-de-France)

Dans son article Maps, knowledge, and power, John Brian Harley explique que les cartes en tant que classe d’images rhétoriques, comme toute autre forme discursive, sont liées par des règles qui veillent sur les codes et les types de production sociale, d’échange et d’utilisation. Les cartes ne sont jamais dénuées de valeur ; elles ne sont pas seulement une forme de savoir socialement construite, mais elles ont aussi été développées à un stade précoce pour l’exercice du pouvoir politique[46] :

Les cartes ne sont jamais des images sans valeur ; sauf au sens euclidien le plus étroit, elles ne sont ni vraies ni fausses en soi. Tant dans la sélectivité de leur contenu que dans leurs signes et styles de représentation, les cartes sont un moyen de concevoir, d’articuler et de structurer le monde humain qui est biaisé, encouragé et exerce une influence sur des ensembles particuliers de relations sociales. Si l’on s’accorde sur ces prémisses, il devient plus facile de voir à quel point elles sont appropriées à la manipulation par les puissants dans la société[47].

La petite échelle des deux cartes du SDAURP montre clairement qu’il n’a considéré aucune solution architecturale, contrairement à l’objectif emphatiquement exprimé dans l’introduction du SDAURP : « L’urbanisme doit créer le cadre et les conditions d’une meilleure architecture (…) la prise de conscience qu’il existe un devoir de “construire beau” devient une exigence collective »[48]. La première carte résume le « grand ensemble » de la région parisienne sous la forme d’un plan de zonage. Avec la carte à plus petite échelle, ce sont les intérêts économiques qui sont placés au premier plan, dans la mesure où la vallée de la Seine reliait la capitale en tant que centre politique et économique et la ville portuaire du Havre en tant que porte d’entrée du commerce mondial. Le SDAURP, qui ciblait une planification globale, présenta le concept de « villes nouvelles » comme nouvel objectif, sans toutefois apporter de solutions concrètes aux grands ensembles existants. La critique officielle du logement publiée la même année que la production du film vise également la disproportion de l’échelle de la carte : le lien entre le schéma directeur et les solutions pour la construction de logements serait très insuffisant, compte tenu du fait que les banlieues parisiennes seraient l’un des meilleurs exemples de chaos urbain, témoignant d’un manque de logements et de confort, le tout accompagné de loyers trop élevés[49]. Les voix de la critique ont fait valoir que la diversification est essentielle et que la qualité du paysage urbain dépend de l’harmonie[50]. Car « [l]e décor qui entoure notre vie quotidienne a une influence considérable sur notre comportement »[51].

Comment Godard s’est invité dans le débat – à partir d’une séquence exemplaire de Deux ou trois choses que je sais d’elle

L’un des premières séquences de Deux ou trois choses pourrait être lue comme une réponse aux cartes proposées par l’État comme prétendue solution au problème des grands ensembles (Fig. 4.1-4.7). Ce point a également été souligné dans un article critique sur l’architecture publié presque en même temps que le film : « Le Plan Masse est devenu un stade d’étude et une étape administrative parce qu’il apporte une concrétisation visuelle d’un projet, mais sous un aspect plein d’illusion »[52].

Figure 4.1-4.7. Scène matinale. échelles de plan versus vues sur le réel
Figure 4.2.
Figure 4.3.
Figure 4.4.
Figure 4.5.
Figure 4.6.
Figure 4.7.

Après l’insert du mot « idées » (il s’agit d’un gros plan sur la couverture d’un livre de la collection de livres de poche de Gallimard consacrée à tous les domaines du savoir), la séquence introduit la scène matinale à la manière d’un establishing shot dont on aurait augmenté la durée. Le plan suivant montre une image floue en couleur qui occupe tout l’écran. La caméra règle la netteté jusqu’à ce que nous comprenions qu’il s’agit d’un gros plan sur la photographie d’un bouquet de fleurs en format portrait, placée à l’horizontal et recadrée selon le format 16:9 du grand écran. La caméra commence à faire un zoom arrière, la photo du bouquet en format carte postale se trouve alors placée à une certaine distance à côté d’une autre photo similaire placée sur une pelouse. Ces deux plans sont accompagnés d’un commentaire off de Godard, dans lequel il pointe la responsabilité de l’État, avec ses aspirations politiques et économiques, dans les problèmes que connaît le développement urbain la région parisienne :

Il est sûr que l’aménagement de la Région parisienne va permettre au gouvernement de poursuivre plus facilement sa politique de classe et au grand monopole d’en orienter et d’en organiser l’économie, sans trop tenir compte des besoins et de l’aspiration à une vie meilleure de ses huit millions d’habitants[53].

Les deux cartes postales aux bouquets de fleurs joliment composés pourraient ici représenter de manière emblématique les cartes bidimensionnelles des « villes nouvelles » et la vision globale et superficielle que ces images charrient avec elles.  La première image de bouquet, en plan rapproché, pourrait valoir d’ersatz de la carte à l’échelle 1:100’000 et son zonage d’une région parisienne organisée selon une composition stricte d’un bout à l’autre. Le mouvement vertical, légèrement orienté vers la gauche, de la caméra qui se déplace de la première carte postale vers la seconde pourrait correspondre à une carte de plus petite échelle et faire référence à la multiplication de villes nouvelles isolées. Le mouvement de la caméra peut ici se référer à l’oscillation entre totalité et fragment, caractéristique des gros plans et des cartes géographiques[54]. Dans le plan suivant, le mouvement vertical du zoom arrière se transforme brusquement en mouvement panoramique horizontal et montre le monde réel environnant : dans une perspective documentaire, le public voit les dimensions réelles du grand ensemble, avec ses gigantesques immeubles et la tour au centre. L’usage du panoramique de gauche à droite et vice versa permet cette vue d’ensemble des bâtiments monumentaux à l’intérieur du grand format de l’image, monumental lui aussi. Le gris est la couleur dominante, entrecoupée, ici et là, d’un peu de bleu et de rouge sur les façades. Le triangle vert, au début et à la fin du panoramique, est un espace vert planifié sur lequel les deux cartes postales auraient pu être placées. La photographie suivante montre Juliette en gros plan dans sa chambre. À l’image de la carte postale du bouquet, son cadrage est horizontal en raison de la position allongée de Juliette dans le lit, une allusion possible aux « cités-dortoirs ». Son gilet bleu, le drap blanc et la couverture rouge font clairement référence au drapeau tricolore. Juliette se remémore son rêve :

Avant, quand je rêvais, j’avais l’impression d’être aspirée dans un grand trou, de disparaître dans un grand trou… Maintenant, quand je rêve, j’ai l’impression de m’éparpiller en mille morceaux. Et avant, quand je me réveillais, même si c’était long, je me réveillais d’un seul coup. Maintenant, quand je me réveille, j’ai peur qu’il manque des morceaux[55].

À l’instar de la séquence dédiée au thème de la perception illusoire du tout au sein des cartes géographiques figurant une réalité exemplaire, le gros plan sur Juliette combine, à l’aide du code coloré et du récit de son rêve, à la fois l’illustration exemplaire d’une personne aliénée et la personnification de la France capitaliste. La tension entre le détail et le grand ensemble, entre le microcosme et le macrocosme, se vit sur le plan cinématographique.

Décalages de temps et d’échelle

Le cinéma, pour Godard, a rempli la fonction d’un instrument scientifique visionnaire, anticipant les formes que prendra le changement social émergent avant même qu’elles ne se produisent, pour les confronter ensuite à la réalité et/ou témoigner de l’atrocité de ces événements[56].

Ce constat dressé par Michael Witt résonne ici comme une invitation à se rendre physiquement sur le lieu principal du film Deux ou trois choses que je sais d’elle (Fig. 5.1-5.3), tourné entre août et septembre 1966. Depuis les années 1980, la Cité des 4000 à La Courneuve à la périphérie de Paris est l’un des grands ensembles les plus médiatisés en France[57]. La démolition de la barre Debussy, diffusée en direct à la télévision le 18 février 1986, marque le début d’une série d’autres destructions de grands ensembles en Europe, tandis que de telles pratiques se trouvent jusqu’à aujourd’hui tiraillées entre la volonté de dépasser et d’oublier un chapitre de l’histoire de l’architecture. Depuis plus de 30 ans, la Cité a connu un processus de démolition, de rénovation et d’agrandissement. À regarder la situation aujourd’hui, elle se présente comme un « palimpseste urbain[58] ». Parmi les grands bâtiments d’origine de la Cité des 4000 Sud, curieusement, seule la Tour Leclerc classée monument historique a survécu, ainsi que la barre d’immeubles Mail de Fontenay où habite Juliette dans le film[59]. Le passage à travers la cité tel qu’il est aujourd’hui et son décor actuel témoignent d’un décalage d’échelle massif. La démolition de la barre Debussy, absorbée dans un nuage d’amiante, a été remplacée par un patchwork confus de constructions nouvelles, qui se veulent moins un « grand ensemble » qu’une revendication de diversité et de dimensions spectaculairement réduites. Si les derniers films tournés dans cette Cité et d’autres mettent d’abord l’accent sur les liens sociaux malgré l’absence d’échelle et la démesure, le film de Godard – initiateur de toute une série de documentaires et de fictions tournés à la Cité[60] – se concentre déjà de manière décisive sur le problème de l’échelle dans le domaine de l’architecture et de l’urbanisme, des problèmes qui continueront à être traités à l’avenir à la Cité des 4000.

Depuis de nombreuses années, l’agence parisienne Lacaton & Vassal Architectes dirigée par Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal relève les défis architecturaux et urbains permanents de la France du XXIe siècle. Leur manière d’explorer et d’adapter des grandes structures architecturales déjà existantes conformément aux normes d’échelles d’habitation en constante évolution témoigne d’un rapport à la fois résolu et constructif à leur démolition. L’un de leurs projets phares conçu avec Frédéric Druot est la réhabilitation de la Tour Bois le Prêtre (2007-2010). Réalisée par Raymond Lopez, cette tour résidentielle (1959-1961) apparaît dans Alphaville (1965) de Godard avec un commentaire critique en off concernant les HLM,[61] et à nouveau à l’horizon dans Deux ou trois choses que je sais d’elle. Un autre projet prometteur de Lacaton & Vassal, cette fois pour la réhabilitation de la barre Mail de Fontenay, a été refusé dans le cadre du projet pluriannuel de développement et d’extension de la Cité des 4000. La dernière barre existante, comme déjà ses défuntes voisines, sera bientôt détruite presque entièrement[62] afin de générer de nouveaux espaces de vie, dont l’échelle est censée être plus humaine. En avril 2019, Lacaton & Vassal Architectes, Frédéric Druot Architecture et Christophe Hutin Architecture ont reçu le Mies van der Rohe Award de la Commission européenne et de la Fundació Mies van der Rohe pour leur projet Transformation de 530 logements – Grand Parc Bordeaux (2011-16).[63] Ce prix honore notamment la capacité à transformer intelligemment et efficacement les grands ensembles immobiliers historiques de l’après-guerre en formes de vie contemporaines.

Le jour même de la publication du communiqué de presse relatif au prix d’architecture, la Fédération internationale des archives du film décernait son Prix FIAF 2019 à Jean-Luc Godard, dont la dernière œuvre, Le Livre d’image (2018), aborde à nouveau le « grand ensemble » de l’histoire et du présent du cinéma et de la société, et même, de l’humanité.

Figure 5.1. Rénovation urbaine – Cité des 4000 Sud à La Courneuve. Au centre, à l’arrière-plan, la Tour Leclerc.
Figure 5.2. La barre Mail de Fontenay à la Cité des 4000 Sud à La Courneuve. (© Jacqueline Maurer, 14.9.2016)
Figure 5.3. La Tour Leclerc à la Cité des 4000 Sud à La Courneuve (© Jacqueline Maurer, 18.7.2017)

[1] Voir Camille Canteux, Filmer les grands ensembles, Paris, créaphis éditions, 2014.

[2] Pascal Thomas, « TU VIENS, GODARD…Le metteur en scène de « Masculin Féminin » a filmé la vie de celles qu’on appelle « les étoiles filantes » : les prostituées des grands ensembles », Candide, 5.9.1966, p. 24. Voir Antoine de Baecque, Godard. Biographie, Paris, Grasset, 2010, p. 338.

[3] Voir Alain Bergala, Le Paris de Jean-Luc Godard, http://www.pariscinemaregion.fr/le-paris-de-jean-luc-godard (consulté le 25.4.2017) ; Alain Bergala, « Jean-Luc Godard (1930) » dans Thierry Jousse & Thierry Paquot (dir.), La Ville au cinéma, Paris, Encyclopédie, Cahiers du cinéma, 2005, pp. 710-716.

[4] Même si les chiffres sont trop élevés, nous nous en tenons à la définition de Choay : « La notion de GRAND ENSEMBLE désigne, lorsqu’elle est employée conformément à sa définition officielle de janvier 1956, les nouveaux ensembles d’habitation de 30 à 40 000 habitants (8 à 10 000 logements) implantés sur des terrains acquis et aménagés par l’État et mis à la disposition des organismes de construction selon une procédure destinée à éviter la spéculation. »  Françoise Choay, « Nouvelle zone ou cités-jardins ? », L’Œil, n° 55-56, juillet-août 1959, p. 55.

[5] Catherine Vimenet « Les étoiles filantes » paru dans Le Nouvel Observateur, n° 71, 23.03.1966. Voir aussi le hors-série titré « La prostitution dans les grands ensembles ? », Le Nouvel Observateur, n° 77, 04.05.1966.

[6] Jean-Luc Godard, Jean-Luc Godard, 2 ou 3 choses que je sais d’elle, Découpage intégral, Paris, Seuil/Avant-Scène, 1971, p. 39.

[7] Jean-Luc Godard, « La vie moderne », Le Nouvel Observateur, n° 100, 12.10.1966, p. 54.

[8] Alain Bergala, « Deux ou trois choses que je sais d’elle, ou Philosophie de la sensation », DVD-booklet, © Argos Films – Arte France Développement, 2004, p. 4.

[9] Kenny Cupers, The Social Project, op. cit., p. 18.

[10] Françoise Choay, « Cités-jardins ou cages à lapins », France-Observateur, n° 474, 4.6.1959, pp. 12-13 ; Françoise Choay, Nouvelle zone ou cités-jardins, op. cit., p. 56.

[11] Michel Foucault, « Panoptisme » dans Michel Foucault, Surveiller et punir, Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975, pp. 197-229. Dans les années 1960 et 1970, Foucault fait partie en effet, aux côtés de Henri Lefebvre, Guy Debord et Michel de Certeau de ceux qui ont critiqué les grands ensembles. Voir Raphaële Bertho, « Les grands ensembles, Cinquante ans d’une politique-fiction française », études photographiques, n° 31 (Fictions du territoire/Partager l’image/La question documentaire), printemps 2014, https://journals.openedition.org/etudesphotographiques/3383 (consulté le 20.10.2018).

[12] « Jean-Luc Godard », Cahiers du cinéma, n° 138, déc. 1962, p. 26.

[13] Voir Ronald Daus, Zola und der französische Naturalismus, Stuttgart, Metzler, 1976, p. 17.

[14] Voir Daus, Zola, op. cit., p. 18.

[15] Émile Zola, « Le naturalisme au théâtre » [1881] dans Émile Zola, Le Roman expérimental, Paris, 1928, pp. 9-35.

[16] Voir Katherine Shonfield, « Nana and Two or Three Things I Know About Her » dans Katherine Shonfield, Walls Have Feelings, Architecture, Film and the City, London, Routledge, 2000, p. 111.

[17]  Robert Mallet-Stevens, « Le décor » dans L’Art cinématographique, VI, Paris, Librairie Félix Alcan, 1929.

[18] André Bazin, « Le décor est un acteur », CinéClub, n° 1, déc. 1949, p. 5, cité d’après : http://www.marcel-carne.com/carne-et-la-presse/articles-ecrits-sur-marcel-carne/1949-le-decor-est-un-acteur-par-andre-bazin-cine-club/ (consulté le 28.3.2017).

[19] http://www.cnrtl.fr/etymologie/d%C3%A9cor/substantif (consulté le 21.10.2018).

[20] « Décor » dans Alain Rey, (dir.), Le Grand Robert de la langue française, t. 2., 2ème éd., Paris, 2001, pp.1067-1068 ; « DÉCOR » dans Dictionnaire de l’Académie Française, t. 1, 2005, p. 1265 ; http://www.cnrtl.fr/etymologie/d%C3%A9cor/substantif (consulté le 21.10.2018).

[21] Que nous pourrions traduire par « principe d’adéquation », lequel n’est pas normatif mais instaurateur d’un rapport de négociation avec ce qui est considéré comme approprié. Robert W. Gaston, « Aptum, Decorum » dans Jane Turner (dir.), The Dictionary of Art, t. 8, New York, Macmillan, 1996, p. 613.

[22] Robert W. Gaston, « Aptum, Decorum », op. cit., pp. 613-614; Barbara Bauer, « Decorum » dans Klaus Weimar (dir.), Reallexikon der Deutschen Literaturwissenschaft, Berlin/New York, Walter de Gruyter, 1997, pp. 115-9.

[23] Voir Anne McCarthy, « From the Ordinary to the Concrete : Cultural Studies and the Politics  of Scale » dans Mimi White & James Schwoch (dir.), Questions of Method in Cultural Studies, Oxford/Malden (Mass.), Blackwell, 2006, pp. 21-53.

[24] Voir Jan Dietrich Müller, Decorum, Konzepte von Angemessenheit in der Theorie der Rhetorik von den Sophisten bis zur Renaissance, Berlin/Boston, Walter de Gruyter, 2011, p. 106.

[25] Voir André Bazin : « Plutôt que d’une symbolique c’est d’une métaphysique du décor qu’il faudrait parler ». André Bazin, « Le décor est un acteur », op. cit.

[26] Nous traduisons : « Indeed, scale, as a concept, is inconceivable if separated from its reference to and implicit inscription of the human body as the measure of all things. » Robin Curtis, « Immersion and Abstraction as Measures of Materiality » dans Fabienne Liptay & Burcu Dogramaci (dir.), Immersion in the Visual Arts and Media, Leiden, Brill, 2015, p. 61.

[27] Allen Thiher, « Postmodern Dilemmas: Godard’s Alphaville and Two or Three Things That I Know about Her », boudnary, n° 3, printemps 1976, p. 947. En conséquence, Luhmann devait commencer son livre Die Realität der Massenmedien comme suit (nous traduisons) : « Ce que nous savons de notre société, voire du monde dans lequel nous vivons, nous le savons grâce aux médias. » Niklas Luhman, Die Realität der Massenmedien, 5ème ed., Wiesbaden, Springer, 2017 (1995), p. 9.

[28] Voir W. J. T. Mitchell, Picture Theory, Essays on Verbal and Visual Representation, Chicago, 1994.

[29] Jean-Luc Godard, 2 ou 3 choses, op. cit., p. 21.

[30] Voir Mary Ann Doane, « Close-Up. Scale and Detail in the Cinema », Differences: A Journal of Feminist Culture, n° 3, automne 2003, pp. 89-111.

[31] Georges Candilis, « Habitat, le fond du problème », L’Architecture d’aujourd’hui, n° 130, fév.-mars 1967, p. 1.

[32] Ce n’est qu’en 1952 que la construction résidentielle a été définie comme un problème national dans le deuxième plan de modernisation. Annie Fourcaut, « Les grands ensembles ont-ils été conçus comme des villes nouvelles ? », Société française d’histoire urbaine, n° 17, 2006, p. 15.

[33] Annie Fourcaut et son cercle couvrent l’essentiel de la recherche française sur la banlieue, les grands ensembles et les villes nouvelles. Voir aussi par ex. : Kenny Cupers, The Social Project, Housing Postwar France, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2014. L’analyse par Cupers, extrêmement concise, de ces développements dans les années 1950 jusqu’aux années 1970 se concentre en particulier sur les recherches en sociologie menées au même moment par Paul-Henry Chombart et Henri Lefebvre.

[34] Annie Fourcaut, « Les grands ensembles », op. cit., pp. 20-23.

[35] Annie Fourcaut, ibid., p. 13.

[36] Annie Fourcaut, ibid., pp. 19-20.

[37] Premier ministre, Délégation générale au district de la région de Paris, Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région de Paris, 1965 ; Délégation générale au district de la région de Paris, Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme de la région de Paris 1965, (la documentation française illustrée ; n° spécial 216), Avril 1966, t. 1, 2, 3.1, 3.2 ; par la suite, mentionné « SDAURP 1966 ».

[38] Voir Évolution prévisible de la région de Paris, dans SDAURP 1966, op. cit., t. 1, S. 10-24.

[39] SDAURP 1966, op. cit., t. 1, p. 21.

[40] Voir SDAURP 1966, op. cit., t. 1, p. 9.

[41] Principes d’urbanisme au niveau de la région de Paris dans son ensemble dans SDAURP 1966, op. cit., t. 1, S. 64-93.

[42] Paul Delouvrier, L’Aménagement de la Région de Paris, Conférence faite par M. Paul Delouvrier, Délégué Général au District de la Région de Paris, Le jeudi 6 février 1966 au Théâtre des Ambassadeurs, p. 38.

[43] Voir Annie Fourcaut, « Les grands ensembles », op. cit., p. 23.

[44] SDAURP 1966, op. cit., t. 1, pp. 65-66, 73-76, 91.

[45] Annie Fourcaut & Loïc Vadelorge, « Villes nouvelles et grands ensembles », Histoire Urbaine, n° 17, déc. 2006, p. 5.

[46] John Brian Harley, « Maps, knowledge, and power » dans Denis Cosgrove, Stephen Daniels, The Iconography of Landscape, Essays on the symbolic representation, design and use of past environments, New York, Cambridge University Press, 1988, p. 279.

[47] Nous traduisons : « Maps are never value-free images; except in the narrowest Euclidean sense they are not in themselves either true or false. Both in the selectivity of their content and in their signs and styles of representation maps are a way of conceiving, articulating, and structuring the human world which is biased towards, promoted by, and exerts influence upon particular sets of social relations. By accepting such premises it becomes easier to see how appropriate they are to manipulation by the powerful in society. » Ibid., p. 278.

[48] SDAURP 1966, op. cit., t. 1, pp. 26-27.

[49] Voir SDAURP 1966, op. cit., t. 2, 3.1, 3.2.

[50] Voir ibid., t. 3.2, S. 32.

[51] Ibid., t. 3.2, p. 290.

[52] P. Parat & Ch. H. Arguillère, « Habitat social, tendances, verrous, propositions », L’Architecture d’aujourd’hui, n° 130, fév.-mars 1967, p. 11.

[53] Jean-Luc Godard, 2 ou 3 choses, op. cit., p. 27.

[54] Voir Doane, « Close-Up. Scale and Detail in the Cinema », op. cit., p. 93

[55] Jean-Luc Godard, 2 ou 3 choses, op. cit., p. 7.

[56] Nous traduisons : « The cinema, for Godard, has fulfilled the function of visionary scientific instrument, foreseeing patterns of emergent social change before they occur, and then confronting and testifying to the reality and/or atrocity of those events  » Michael Witt, « The Death(s) of Cinema According to Godard », Screen, n° 3, automne 1999, p. 334.

[57] Voir Christian Bachmann & Luc Basiers, Mise en images d’une banlieue ordinaire, stigmatisations urbaines et stratégies de communication, Paris, Syros/Alternatives, 1989.

[58] Voir Andreas Huyssen, « Introduction » dans Andreas Huyssen, Present Pasts, Urban Palimpsests and the Politics of Memory, Stanford University Press, 2003.

[59] Celle-ci sera également détruite, mais partiellement seulement, car un morceau du bâtiment était relié à l’ensemble du système de chauffage du quartier.

[60] Documentaires: Notes pour Debussy: Lettre ouverte à Jean-Luc Godard (Jean-Patrick Lebel, 1988), Une poste à la Courneuve (Dominique Cabrera, 1994), La ville est à nous (Patrick Laroche, 2000), Renoir des 4000 (Lara Rastelli, 2002), Quand il a fallu partir (Mehdi et Badrou, 2011).

Fictions: Le Choix des armes (Alain Corneau, 1981), Le Thé au harem d’Archimède (Medhi Charef, 1985), La Thune (Philippe Galland, 1991), La Squale (Fabrice Genestal, 2000), Papa Was Not a Rolling Stone (Sylvie Ohayon, 2014), L’Ascension (Ludovic Bernard, 2017).

[61] Dans Alphaville, la Tour Bois du Prêtre emblématise les HLM, tandis que Godard détourne l’acronyme en « Hôpitaux de la Longue Maladie ».

[62] Curieusement, une partie sera conservée à cause du système de chauffage qui y est attaché directement.

[63]https://www.e-flux.com/announcements/263183/transformation-of-530-dwellings-grand-parc-bordeaux-by-lacaton-vassal-frdric-druot-and-christophe-hutin-wins-the-european-union-prize-for-contemporary-architecture/; https://www.lacatonvassal.com/index.php?idp=80# (consulté le 12.4.2019).


Référence électronique, pour citer cet article

Jacqueline Maurer, « Questions d’échelle et de justesse entre cinéma, architecture et urbanisme. Deux ou trois choses que je sais d’elle (1967) de Jean-Luc Godard et le débat des « grands ensembles » », Images secondes. [En ligne], 02 | 2020, mis en ligne le 29 février 2020, URL : http://imagessecondes.fr/index.php/2020/02/21/deux-ou-trois-choses-que-je-sais-delle-et-le-debat-des-grands-ensembles/