Nina Pillet
Visualiser le trou noir M87 : Persistance des images-outils dans l’image-preuve

Résumé
Cet article décrit la construction de l’image du trou noir M87 comme reposant sur trois pratiques d’imagerie distinctes, impliquant chacune des rapports différents à l’objectivité, selon le modèle dressé par Lorraine Daston et Peter Galison. Il y sera démontré que l’assemblage inédit de ces pratiques d’imageries repose sur un quatrième type sous-jacent : la fabrique d’images opérationnelles, ayant permis l’entrainement des algorithmes et des équipes scientifiques et l’imbrication finale des trois pratiques d’imagerie déjà identifiée ; ce qui permettrait l’édification d’une forme singulière d’objectivité, qualifiée d’opérationnelle.
Mots-clés
objectivité, images opérationnelles, astronomie
Référence électronique pour citer cet article
Nina Pillet, « Visualiser le trou noir M87 : Persistance des images-outils dans l’image-preuve », Images secondes [En ligne], 05 | 2025. URL : http://imagessecondes.fr/index.php/2025/12/pillet/

En 2019, l’Even Horizon Telescope Collaboration1 (EHTC) publie l’image inédite d’un trou noir, M87. Dans son allocution de présentation de cette image à Harvard2, Peter Galison (chercheur principal à la Black Hole Initiative ayant participé à l’élaboration du projet de l’EHTC en tant qu’historien et philosophe de la science) la décrit comme le résultat de la combinaison des trois régimes de vertus épistémiques qu’il a identifié avec Lorraine Daston3. Ces vertus épistémiques, liées à la production et à la sélection d’images dans le domaine scientifique, se sont développées au cours de plusieurs siècles sous trois formes qui se complémentent à mesure qu’elles apparaissent. Chacune de ces vertus vient avec une pratique d’image singulière, et formule ainsi une certaine idée de l’objectivité. La vérité-d’après-nature – particulièrement importante au XVIIIème siècle avec la fabrication d’atlas – est décrite comme une vue « à quatre yeux », car elle combine le regard de l’artiste et du scientifique et cherche à produire des objets types en opérant des sélections et des synthèses. Les images qu’elle produit sont raisonnées et universelles. L’objectivité mécanique se caractérise par la volonté de minimiser l’intervention humaine dans les processus d’imagerie scientifique, via l’utilisation d’outils mécaniques, telle la photographie, utilisée pour limiter l’intervention des observateurs. Ce type d’objectivité procède par transfert automatisé et produit des images mécaniques ne représentant que l’objet particulier bénéficiant de ce transfert. À partir des années 1930, le jugement exercé ne repose plus sur la suppression de l’observateur permise par la copie mécanique de l’objet, mais plutôt sur l’exercice d’une expertise acquise grâce à la formation des scientifiques à l’interprétation et à la sélection d’images produites à l’aide d’instruments. Elle procède par reconnaissance des formes et produit des images via l’interprétation de données.
Puisque ces vertus épistémiques émanent toutes de la production et de la sélection d’images et qu’M87 est décrite par Galison comme s’étant formée par la combinaison de ces trois formes de pratiques, se pressent déjà que cette image finale n’a pas été la seule à avoir été produite dans ce processus d’imagerie. En effet, l’EHTC a certes mis en réseau huit radiotélescopes, agissant ensemble comme un télescope informatique géant, mais ce capteur n’a pas permis une observation entièrement accomplie du trou noir supermassif situé au cœur de la galaxie Messier 87, à 55 millions d’années-lumière de la Terre. Les données sont trouées, et les traduire en image va nécessiter de simuler de larges portions de la visualisation finale via l’incorporation de données synthétiques. Ces données synthétiques, transformées en portions d’images probables, viennent permettre l’accomplissement de la visualisation d’M87 dont les données observationnelles seraient autrement irreprésentables puisque discontinues et ajourées. Ainsi, le problème qu’entendra traiter cet article sera celui de savoir comment s’est construite l’objectivité de cette visualisation scientifique où l’observation instrumentale n’a pas suffi à « faire image ». Autrement dit, l’enjeu sera d’abord d’expliciter comment l’émergence d’M87 repose en effet sur l’imbrication des trois pratiques d’imagerie décrites par Daston & Galison, puis de démontrer qu’entre ces trois pratiques on peut déceler l’intervention sous-jacente d’une quatrième forme : la pratique de l’imagerie opérationnelle.
Seront ici caractérisées comme opérationnelles les images dont la tâche fut de soutenir la visualisation des données recueillies sur la base du transfert instrumental et automatisé – mais lacunaire – de l’EHT. Ces images opérationnelles seront ici entendues à la façon dont le théoricien des média Jussi Parikka les décrit. Elles sont « constituées de couches successives, de chaînes récursives et techniques, d’emboitement de pratiques, de personnes, de formations, d’instruments juridiques et financiers et de bien d’autres aspects. »4, et cet article entendra affirmer qu’une part des pratiques d’imagerie de l’EHTC a consisté à produire « des images qui déclenchent des calculs qui produisent d’autres images (non-photographiques) »5. Aux côtés de Parikka, nous considérerons que l’observation du ciel en général, et d’un trou noir en particulier, est une pratique propice de la production d’images opérationnelles, en cela « qu’il [le ciel] échappe en grand partie à la vision humaine et fait l’objet de calculs constants, dont certains peuvent revenir sous la forme d’images »6. Ainsi, l’article démontrera que « l’Event Horizon Telescope apparaît non seulement comme un projet scientifique astronomique, mais aussi comme un moyen de repenser les images »7, en cela que le projet délicat de visualisation d’M87 repose sur la rare imbrication de quatre formes différentes de pratique d’imagerie.
L’objectif de cet article sera dans un premier temps de décrire le dispositif d’interférométrie ayant permis – sur la base d’un transfert automatisé – la saisie des données observationnelles (1). Puis, il sera démontré comment différents modèles génératifs d’images opérationnelles et le jugement exercé de l’équipe d’imagerie ont permis la production des échantillons synthétiques permettant de soutenir l’émergence de ces données observationnelles (2). Il s’agira ensuite de montrer comment ces portions synthétiques furent insérées dans l’image finale par le geste de la synthèse formant ainsi une image raisonnée de type vérité-d’après-nature (3). Ce qui permettra de conclure que cet assemblage inédit fonctionne comme l’édification d’une forme singulière d’objectivité, qualifiée d’opérationnelle.
Saisie des données observationnelles : la Terre comme entité voyante
Il existe un présupposé à la base de toutes recherches en astronomie :
L’astronomie n’est pas une science expérimentale au sens de la physique de laboratoire. Il est impossible de mener une expérience sur des objets astronomiques, c’est-à-dire de modifier certains paramètres bien définis en les contrôlant pour étudier leur influence spécifique sur le problème à étudier. Le cosmos ne nous est accessible que par l’observation passive, et cette observation se fait d’un point unique à l’échelle de l’Univers.8
Cette observation passive et située est le lieu de formation d’une imagerie vitale, décisive et constitutive de cette science. Du fait même de l’impraticabilité de son terrain de recherche, l’astronomie dépend résolument de représentations. À la difficulté propre à l’astronomie en générale, il faut ajouter celle de la physique relativiste en particulier. Formulée en 1915 par Albert Einstein, la relativité générale a établi une rupture épistémologique avec les conceptions newtoniennes. En intensifiant les équations de cette théorie de la gravitation, on arrive à la création théorique de singularités gravitationnelles. Il en existe deux types : l’une est explosive, nous visons dedans, et elle serait la cause de la réorganisation de notre univers en système expansif, c’est le Big Bang ; l’autre, implosive, est le trou noir. Ce sont ces deux points de gravité infinie et opposés qui sont donc privilégiés dans l’étude de la gravitation, car ils en sont les manifestations les plus tangibles et exubérantes. Or, le Big Bang est un défi lancé à la physique instrumentale. C’est qu’on ne peut jamais lui échapper. Cette appartenance par contenance intrinsèque anéantit la possibilité d’un regard périphérique. Le trou noir, lui, offre à la physique instrumentale un avantage considérable : il est ponctuel et localisable. Il fascine donc l’astronomie en lui-même en tant que machine gravitationnelle et optique déroutante, mais aussi en ce qu’il nous permettra de comprendre, en miroir, des origines mêmes du cosmos. Et puisqu’« il n’est souvent pas possible de fabriquer les choses sans le représenter visuellement »9, former l’image d’un trou noir devient nécessaire. Comme le souligne Heino Falcke, responsable scientifique de l’EHTC, « des images de ce type peuvent potentiellement être utilisées pour tester ou limiter les théories de la gravité »10. Mais si le trou noir est généreux en gravité, il est avare en photons : la lumière est piégée par l’infinie densité gravitationnelle du centre, le trou noir ne rayonne pas. Toutefois, une région limitrophe est tout à fait radieuse : l’horizon des évènements (le cercle orange de la Fig.1). Une fois passé cet horizon, les photons devraient dépasser la vitesse de la lumière pour s’acquitter de l’attraction gravitationnelle intense du trou noir et ne pas être engloutis. En tant que dernier endroit observable, c’est donc cet anneau qu’il s’agira de mesurer.
Comme le précise Katie Bouman, docteure au MIT dans un laboratoire dédié à l’interprétation d’images par ordinateurs et membre du groupe d’imagerie de l’EHTC, « prendre cette image dépendra d’une équipe scientifique internationale, d’un télescope de la taille de la Terre, et d’un algorithme qui assemble l’image finale »11. Car si l’horizon des événements est lumineux, sa distance rend son observation assurément complexe. Bouman explicite :
Si nous voulons apercevoir le trou noir M87, il nous faudrait un télescope doté d’un miroir d’environ 13 000 km, soit la taille de la Terre. Comme cela est impossible, nous faisons la meilleure chose qui s’offre à nous ensuite : nous connectons des télescopes autour du globe pour qu’ils agissent comme un télescope informatique géant. C’est un peu comme transformer la Terre en une boule à facette. Chaque fragment de miroir collecte des données que nous assemblerons ensuite pour fabriquer l’image finale. Mais, puisque le réseau de télescope ne comprend que huit foyers d’observations, il faut imaginer avoir retiré la plupart des fragments de miroirs de la boule à facette. Mais bien que nous ne collections la lumière qu’en certains endroits, la Terre tourne, et nous pouvons obtenir d’autres points de mesures. En d’autres termes, quand la Terre tourne, les miroirs changent de place et nous pouvons ainsi observer différentes parties de l’objet observé, et donc de l’image.12
Ainsi, l’observation de l’horizon des événements nécessite d’assembler plusieurs types de réseaux techniques autonomes. Il s’agit d’abord de relier les antennes des différents observatoires par interférométrie13, puis de faire reposer ce premier réseau sur un ensemble d’horloges atomiques chargées de déclencher simultanément les observations sur chaque site et de marquer les mesures de coordonnées temporelles précises ; en amont, ces deux ensembles sont monitorés par celui de stations météorologiques chargées de définir si le réseau d’antennes bénéficie de conditions favorables à la captation des ondes millimétriques émises par l’anneau (ondes pouvant se perdre dans les nuages) ; le tout reposant sur des systèmes de communication et de positionnement satellitaires reliant les machines et les membres de cette équipe internationale, ainsi que sur des réseaux de transports assurant le déplacement des agents et des disques durs ayant collectés les données. C’est ce qui conduit le théoricien des médias John Durham Peters à constater que « M87 repose probablement sur le réseau le plus complexe jamais réalisé pour prendre une image »14, ou du moins, pour collecter des données.
Avant même de permettre une quelconque opération heuristique que ce soit, ce réseau aura d’abord établit la planète comme foyer d’observation. Comme le précise à nouveau Peters : « Ici, la Terre se transforme en yeux, [elle] n’est plus une simple image à voir, comme dans la célèbre image de La Bille Bleue de 1972, mais c’est elle qui voit »15. En effet, M87 est souvent considérée comme l’envers de la photographie du Lever de Terre. Galison l’exprime en ces termes, lorsqu’il compare M87 à l’image du Lever de Terre : « [M87] a eu le même type d’effet iconique. Elle nous a donné une sorte de reconfiguration, de recalibrage de la taille et de l’échelle de la Terre »16. Permettant à la Terre de ne plus se constituer comme objet à voir mais comme façon de voir, l’EHT reconfigure en effet le regard et révèle l’agentivité de la Terre non pas comme foyer à voir, mais comme foyer d’observation, sorte d’entité voyante ou de camera obscura planetae à l’intérieure de laquelle se forment des images. En s’appuyant sur l’interférométrie à très longue base comme méthode de formation d’image, sur le mouvement inhérent à son orbite et sur la taille de son diamètre, la Terre formule ainsi sa première vue fantomatique17. Ce terme – apparut pour caractériser les formes que peuvent prendre les images opérationnelles dans la pensée du théoricien des images et réalisateur Harun Farocki – renvoie « à la capacité des images produites par les machines à dépasser l’échelle humaine, en rendant compte d’événements qui échappent à la sensibilité humaine »18. Cette visualisation échappe donc à la sensibilité humaine en deux points : premièrement, parce qu’elle n’est permise que par l’exploitation des propriétés géophysique de la Terre ; deuxièmement, puisque la longueur d’onde radio dans laquelle le phénomène rayonne ne saurait être perceptible à l’oeil humain sans sa traduction en données (l’interférométrie) et sa retraduction en image. Comme le souligne d’ailleurs Emilie Skulberg dans sa thèse de doctorat en philosophie19, ce n’est pas tant du côté de la représentation de son contenu qu’M87 fut commentée que par celui des conditions de visibilité qu’elle découvre et par l’assemblage technologique et médiatique inédit qu’elle sous-entend. La réception de cette image – dont la résolution déçoit le grand public habitué à des simulations en haute résolution20 –, indique qu’elle fut plus largement considérée parce qu’elle propose une nouvelle façon d’imager les trous noirs en général, qu’en cela qu’elle découvre un corps astral en particulier. L’image révèle d’abord non pas un objet à étudier, mais un point de vue. C’est la formulation d’un nouveau type de vue fantomatique, d’un nouveau mode de collecte de données, d’une nouvelle fabrique du regard21 qui interpelle, plus largement que l’objet représenté. En ce sens, comme le souligne Monique Sicard, historienne de la photographie, « peu importe que l’image mime ou non son objet, qu’elle soit ou non parfaitement ‘‘exacte’’, elle est un ‘‘modèle’’ dont le processus de fabrication est plus important que la forme »22, une « image [qui] illustre les performances des instruments de visualisation en tant que tels »23. Ce qui semble ici le plus importer, c’est qu’un dispositif ait pu créer un lien sensible entre l’humanité et les trous noirs. Ce lien-là forme la part d’objectivité mécanique de l’image décrit par Daston & Galison, en cela qu’M87 bénéficie désormais d’une méthode de transfert automatisé de données observationnelles, limitant donc l’intervention humaine.
Entrainement au processus d’imagerie : les images-outils
Mais cette nouvelle façon de voir ne permet pas encore une nouvelle façon de savoir : les données observationnelles dévoilent les portions d’angles morts de l’EHT et établir leur fonction heuristique va nécessiter la création d’artefacts. Comme le souligne le directeur fondateur de l’EHTC Shep Doeleman24, ces observations n’ont en effet pas fourni suffisamment de données pour l’imagerie. La collecte de ces ondes millimétriques n’a pas permis d’assurer un transfert mécanique parfaitement accompli d’M87 en image. La visualisation demeure en latence dans les interstices asymétriques du réseau de télescopes et concevoir ces interstices correspond à devoir résoudre le problème épistémologique d’imager un objet jamais vu à partir de mesures observationnelles incomplètes. En d’autres termes, le transfert automatisé de données ne suffit pas à formuler la visualisation d’M87 ; la seule pratique de l’observation instrumentale qui induit un rapport d’objectivité mécanique avec le trou noir ne peut faire image.
Dans sa thèse de doctorat en sciences informatiques (thèse qui se concentre sur l’application du machine learning à la production d’image), Bouman introduit ce problème en ces termes : « comme nous n’avons jamais vu de trous noirs auparavant, nous ne savons pas exactement à quoi devrait ressembler leur visualisation, ni ce que nous devrions supposer au sujet de leur structure »25. Dans ces conditions, produire des données synthétiques permettant de créer un lien cohérent autour des données observationnelles éparses devient une opération épistémologiquement délicate et potentiellement infinie (puisqu’on pourrait produire une infinité de données synthétiques en accord avec les mesures de l’EHT). Le groupe d’imagerie va alors complexifier – et en quelque sorte inverser – les méthodes actuelles de génération d’images proposées par le deep learning en général et par les Generative Adversarial Model en particulier. Falcke le précise :
Le deep learning est une approche qui nécessite des lots de données suffisamment importants pour entraîner l’algorithme. Or, dans le cas traité ici, les données observationnelles sont limitées.26
En effet, il s’agit déjà de produire des échantillons probables à partir de données concrètes (mais rares), à défaut de pouvoir entrainer une machine à produire des images probables sur la base d’échantillons concrets et abondants. C’est ce qu’on nomme un inverse problem, un cas de figure dans lequel, plutôt que de partir d’un modèle prédictif pour augurer des effets observables, la démarche consiste à concevoir un modèle génératif pouvant expliquer des effets déjà partiellement observés. Dans le cas d’imagerie qui nous occupe ici, ce modèle doit donc permettre d’expliquer les données collectées par le réseau de télescope avec suffisamment de finesse pour pouvoir générer les données manquantes. Résoudre un inverse problem nécessite d’ajouter des priors (paramètres préalables) permettant de réduire l’espace des possibilités de façon à aboutir à un nombre restreint de solutions. Ces priors doivent donc ici rendre compte des connaissances a priori sur les trous noirs, tout en laissant un certain degré d’incertitude. Le problème que pose la reconstruction d’M87 se formule en ces termes : avant d’injecter des informations quant à l’aspect des trous noirs dans leurs modèles génératifs, le groupe d’imagerie doit trouver un dosage subtil pour éviter un raisonnement tautologique, car introduire trop d’informations fausserait le processus, de sorte qu’il finirait précisément par voir ce à quoi il s’attendait.27
L’enjeu sera donc d’éviter de biaiser d’emblée les promesses heuristiques de l’image en y reproduisant des prédictions théoriques. Ici, la culture visuelle du groupe d’imagerie devient une potentielle source d’illusions, car tous les membres de l’EHTC ont déjà vu des simulations de trous noirs (qu’il s’agisse de simulations issues de l’industrie de la recherche, ou de l’industrie culturelle, comme celle du film). Cette culture visuelle peut ici intervenir, même inconsciemment, dans le processus de reconstruction. Ainsi, prévenir le modèle génératif de montrer ce que celles et ceux qui le conçoivent préconçoivent revient à produire des priors avec une méthode sans mémoire. Souhaitant éviter toute forme de reconnaissance qui valoriserait la trace de préconceptions, l’amnésie devient cruciale. En effet, la mémoire, en tant qu’ingénieux système de traitement de l’information, permet de reconnaître ; or, dans le cas étudié, la reconnaissance serait précisément la façon de faire s’effondrer l’image sous le poids interne de ses présupposés, et d’engloutir tout le processus d’imagerie dans une tautologie. L’oubli, en tant que ce qui préserve la capacité à apprendre, est le moteur de la création de solutions originales, et permettra ici de connaitre sans reconnaitre. Comme forme dégénérée de la mémoire, l’oubli permettra en quelque sorte non pas une génération mais une dégénération des images, pouvant alors perdre certaines de leurs caractéristiques originelles prédicatives. Ainsi, dans ce processus de fabrication d’artefacts, c’est la partialité de chaque membre du groupe d’imagerie qui devient suspecte28, ainsi que celle des modèles génératifs d’imagerie eux-mêmes, habitués à produire des images par l’apprentissage et la reconnaissance. Maintenir une certaine objectivité dans la reconstitution d’M87 nécessite une méfiance à l’égard du sujet humain et algorithmique.
Déconstruire ainsi la fabrique de son regard et de sa machine impose une phase dite d’entrainement à l’imagerie. Sans encore utiliser les données observationnelles de l’EHT, le groupe d’imagerie s’est exercé à reconstruire les images d’objets inconnus via différentes méthodes algorithmiques. Galison décrit ainsi les méthodes développées dans ces hackathons :
L’une des premières méthodes utilisées a été une sorte de socio-épistémologie. Elle consistait à former quatre groupes qui ne se parlaient pas et qui utilisaient en interne toutes les compétences qu’ils pouvaient rassembler pour obtenir une bonne image. Nous avons distribué un même ensemble de données synthétiques à chacun des groupes et nous leur avons demandé de produire ce qu’ils voyaient. […] Certaines [images] ont commencé à s’effondrer, d’autres sont restées nettes. […] Nous nous sommes ensuite réunis pour voir si les résultats correspondaient bien. Nous avons répété l’expérience encore et encore. […] On leur donnait d’autres défis pour les amener à affiner ce qu’ils supposaient afin qu’ils améliorent leurs rendus.29
Ainsi, pour éviter ce que Galison nomme le reflet de Narcisse30 (soit le fait de voir son propre reflet dans l’image générée), la réduction du groupe d’imagerie en sous-équipes et l’interdiction des communications inter-équipes constituent une méthode réduisant drastiquement le nombre d’influences réciproques possibles, comme le souligne ici Bouman :
Si je vois l’image d’une autre équipe, je peux commencer à essayer de pousser mes algorithmes d’imagerie, même inconsciemment, dans une direction qui favoriserait ce type d’image.31
La seconde méthode déployée consiste à imposer aux équipes de travailler à partir d’algorithmes différents. Chaque équipe se spécialise ainsi dans un modèle génératif et reconstruit au mieux l’image qu’on lui propose sous forme de données brouillées. La pertinence de chaque méthode est évaluée et les algorithmes s’affinent ainsi à chacune des reconstitutions. Puis, les équipes s’entrainent à un processus inverse consistant non pas à produire des images sur la base de données similaires, mais à produire la même image à partir de données différentes. Ainsi, si toutes les équipes formulent la même image sur la base d’échantillons très divers tels des selfies postés sur les réseaux sociaux, des images astronomiques ou des images de bonhomme de neige, les équipes seront assurées d’avoir demandé à leurs modèles la bonne formule de reconstitution. Dans ces hackathons, n’importe quelle image est ainsi susceptible de devenir une image d’entrainement.
Le cas le plus emblématique est peut-être celui de la reconstitution de l’image de Frosty the Snowman, bonhomme de neige de la culture populaire américaine, à partir de données brouillées.

Comme le précise Galison :
L’idée d’essayer de créer une image du trou noir était de ne pas supposer que l’on savait à quoi il allait ressembler. Certes, il n’allait probablement pas ressembler à Frosty the Snowman, mais il fallait être prêt à imager quelque chose qui ne ressemblerait pas à ce à quoi on s’attendait.32
L’EHTC considère ces premières reconstructions comme des images de brouillon en cela qu’elles permettent de développer des méthodes d’imagerie plus fines. Ces méthodes se fortifient à mesure que des rectifications y sont apportées : les équipes corrigent l’effondrement de certaines images (le fait que certains algorithmes d’aboutissement pas en visualisation) et la création d’artefacts à l’intérieur d’autres. Ces images de brouillon deviennent une part de la méthodologie employée pour se rassurer sur l’objectivité du processus d’imagerie et elles impliquent un processus de création similaire à celui des images opérationnelles. Comme le décrit Parikka cité plus haut, ces images – constituées de couches algorithmiques successives, d’allers-retours entre équipes et emboitement de méthodes de visualisation – n’existent que pour « déclencher des calculs qui produiront d’autres images »33, à savoir ici, la visualisation finale M87. Elles sont des exemples de représentation non pas d’objets trouvés, mais d’objets en train de faire et de se faire. Elles représentent la science en action34. Ces images non-publiées servent à former le groupe au problème d’imagerie que pose un inverse problem et trouvent en cela une correspondance avec la théorie de l’image-outils développée par Daston & Galison, puisqu’« il est peut-être possible d’identifier dans les images-outils une nouvelle forme de collection d’images, qui aurait rejeté l’idéal de fidélité en faveur de la juste manufacture »35. Ces collections d’images-outils (celles des reconstitutions de Frosty en Fig.2) établissent la juste manufacture de l’image publiée à venir. Ce changement de paradigme du rôle de l’image, où Frosty n’est pas un objet à voir, mais un outil d’entrainement à l’imagerie, c’est « l’évolution de l’image-représentation à l’image-processus »36. Dans le glissement de l’image-représentation vers l’image-processus, le passage d’un régime épistémique vers un autre s’opère également : la réintroduction de l’interprétation humaine (ici avec les équipes d’entrainement à l’imagerie) est ici necéssaire pour soutenir la visualisation des données collectées par le transfert automatisé de l’EHT. Ainsi, « l’interprétation exercée cessa d’être un vice pour devenir le complément privilégié de l’objectivité mécanique »37. Les données collectées par l’EHT n’ont pas suffi à produire à elles seules l’image du trou noir, et nous rappellent en cela que « l’objectivité mécanique ne parvinrent jamais à s’abstraire entièrement du processus de fabrication des images »38. Ainsi, c’est bien par le jugement exercé des équipes d’imagerie et la manipulation répétée d’images de brouillon que progresse la construction d’M87.
Visualisation d’M87 : image moyenne d’images moyennes
Entrainé, le groupe d’imagerie procède ensuite à la reconstruction délicate d’M87. Une multitude d’images seront à nouveau produites en maintenant l’interdiction des équipes de communiquer.
Les équipes utilisent les mêmes méthodes que celles qu’elles ont affinées en entrainement et débutent donc par générer les données synthétiques qui formeront le lien autour des mesures observationnelles ajourées. Chaque membre génère une image par jour sur la base de cette hybridation entre les données observationnelles et synthétiques, image ensuite comparée aux autres produites au sein de l’équipe. Après avoir écarté les essais les moins convaincants, chaque équipe formule une image moyenne.
Lorsque ces images moyennes sont mises en commun à l’échelle inter-équipe, chaque groupe cherche à invalider les méthodes des autres. En effet, à défaut de pouvoir utiliser les méthodes actuelles de génération d’images proposées par les Generative Adversarial Mode (faute de lots de données suffisantes à l’entrainement de l’algorithme), il semble que ce sont les quatre sous-équipes qui incarnent, sur le plan humain et épistémique, les paradigmes du protocole d’un réseau antagoniste génératif. On pourrait en effet considérer les quatre équipes comme autant de réseaux de neurones (ici humaines) placées en compétition et en opposition en vue de la création d’une image probable réaliste, comme dans un réseau antagoniste génératif.
Comme le précise Galison, l’idée est de tester par cette méthode la robustesse des visualisations proposées :
Nous avons essayé de modifier des éléments de toutes sortes, de façon à voir si nous obtenions toujours l’anneau et l’ombre. Je ne sais pas combien de paramètres nous avons testés dans cette recherche, mais certainement des dizaines de milliers, peut-être des centaines de milliers.39
Si les images ne s’effondrent pas dans ce processus d’examen, c’est que les données synthétiques ont réussi à soutenir l’émergence des données observationnelles avec cohérence et résilience, autrement dit, c’est que les différentes méthodes d’imagerie et les priors injectés ont produit la même qualité d’ajustement aux données. En répétant l’opération de nombreuses fois, les équipes finissent par observer que les images convaincantes sont de plus en plus similaires. Il n’y a alors plus de raison de favoriser une image plutôt qu’une autre, et l’on tire une image moyenne par jour inter-équipe.

Ce processus potentiellement infini de production d’image moyenne à partir d’images moyennes, de proche en proche, prit fin non par fatalité mais par le jugement exercé. Comme l’explique Galison :
Je pense que nous avons essayé de fausser l’image de toutes les manières possibles et imaginables et nous avons continué à la pousser jusqu’à ce que nous soyons satisfaits de toutes ces variations de paramètres. […] Contrairement à une preuve déductive, une expérience ne se termine pas par une analyse exhaustive. À un moment donné, on s’est dit ceteris paribus […] car nous étions suffisamment convaincus.40
Cette méthode d’imagerie rompt avec l’idéal d’objectivité mécanique, suffisant à lui seul à établir un lien ferme et définitif avec l’objet étudié. L’image M87 est ainsi hybride à bien des égards, mais c’est bien par le concours de phases d’entrainement à l’imagerie et de la production d’images opérationnelles – disposées à calculer d’autres images, à affiner les algorithmes et donc à imbriquer les données observationnelles aux données créées – que son hybridité se consolide. Cette hybridation s’observe donc à la fois dans l’hétérogénéité des données qu’elle accueille (synthétiques et observationnelles) et également en tant qu’elle est l’image moyenne d’images de brouillon probables.
Ainsi, l’image finale, raisonnée, révèle de la vertu épistémique dite de vérité-d’après-nature en cela que les équipes l’ont formulée en cherchant une image type sur la base de sélections et de synthèses d’autres images. M87 est en cela une vue résolument fantomatique, une vue de nulle part et de partout, la vue moyenne du processus présidant à sa fabrication. Elle ajoute ceci d’original à la terminologie de l’image opérationnelle (ou à celle employée par Daston & Galison) que si l’image-outil est souvent caractérisée par sa non-publication et ne nécessitant pas d’être rendue visible pour opérer, ici, la persistance des images-outils dans l’image-preuve – décrite par Daston & Galison comme présidant à la figuration finale de l’objet considéré41 – est essentielle. L’indifférenciation dans la matérialité même de l’image M87 entre ce qui relève de la trace composée et de la trace observée confirme l’impuissance de ce type d’hybridation à distinguer la part opérative de la part heuristique du résultat final. Les images-outils, ici entièrement intégrées au processus de monstration, permettent à l’image-preuve l’appui de sa démonstration.
Conclusion : vers une objectivité opérationnelle
Ainsi, l’utilisation d’une série d’approches visant à éviter des présupposés dans la production de l’image et la vérification de la validité du processus d’imagerie, favorisa l’implication des trois formes de vertus épistémiques décrites plus haut, à différents niveaux et moments de la création d’M87. L’image finale, raisonnée et universelle, ayant été permise à la fois par le concours d’un transfert automatisé, du jugement exercé, et procédant par la sélection et la synthèse typique de la vérité-d’après-nature, figure bien les trois types de vertus épistémiques. Elle incarne une vision collective, machinique et humaine, et présente à la fois un objet particulier (M87) et un objet-type (un trou noir), une vérité-d’après-nature, puisqu’en effet, dans l’étape finale de formation de cette image allant au-delà de la reproduction par transfert, « l’objectivité recherchée n’était pas la forme mécanique caractérisée par une attitude non-interventionniste à l’égard des données visuelles »42, puisque sans intervention et manipulations des données observationnelles, l’image n’aurait pu apparaitre. C’est ce que la théoricienne des médias Aud Sissel Hoel nomme l’objectivité opérationnelle43, fondée sur l’interventionnisme des astronomes développant des méthodes d’imagerie pour visualiser des objets autrement inobservables. Selon Hoel, cette objectivité opérationnelle s’exprime en deux temps d’intervention. Premièrement, au niveau de l’acquisition des données via l’utilisation de capteurs non-humains et plus-qu’humains sensibles à des fréquences et régimes scopiques proprement inhumains et produisant par essence des vues fantomatiques ; et deuxièmement, au niveau de l’analyse des données, à la fois dans leurs interprétations et dans les étapes successives de manipulation qui permettent de révéler et de visualiser leurs informations. Dans le cas étudié ici, l’objectivité opérationnelle serait donc cette forme d’objectivité émergeant spécifiquement quand l’élimination de la suspecte médiation humaine ne peut plus être remplacée exclusivement par le transfert automatisé de l’objet observé (comme démontré avec l’EHT, qui établit une observation lacunaire d’M87), mais doit s’élaborer par le concours répété d’images opérationnelles permettant l’entrainement des logiciels et des agents à la construction de l’objet. L’image d’M87 suggère ainsi peut-être un tournant vers une objectivité opérationnelle, supposant l’implication de la participation de l’humain à l’analyse, en renfort aux productions de données via des instruments automatisés. Cette objectivité opérationnelle serait cette forme d’objectivé pratiquée à l’endroit où se mêlent et se consolident les trois vertus épistémiques et pratiques d’imagerie décrites par Daston & Galison.Ainsi, cet article aura montré comment l’émergence d’M87 repose sur l’imbrication de trois pratiques d’imagerie et qu’à l’endroit où ces pratiques se sont fortifiées au contact les unes des autres, c’est celle de l’imagerie opérationnelle qui s’est révélée. Il a été démontré que c’est bien au moment de la production d’images d’entrainement – images qui ont « déclenché des calculs qui produisent d’autres images »44 –, que les trois formes d’objectivité ont pu s’assembler et révéler M87. De plus, ce cas d’étude aura permis d’entamer une réflexion sur l’objectivité opérationnelle – incluant explicitement de nombreuses manipulations et interventions dans les pratiques d’imagerie –, et de montrer que ce sont les opérations déclenchées par les images d’entrainement qui ont ici constitué la part heuristique de l’image.
Bibliographie
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- Ci-après EHTC quand il s’agit de désigner la collaboration, et EHT, quand il s’agit de désigner le réseau de télescopes ayant procédé à la saisie des données. ↩︎
- Peter Galison, Philosophy of the Shadow, Havard CMSA, 2019 [en ligne, consulté le 14.04.2024 : https://www.youtube.com/watch?v=BofWFoiKARQ]. ↩︎
- Lorraine Daston & Peter Galison, Objectivité, Dijon, Les Presses du réel, 2012. ↩︎
- Jussi Parikka, Operational Images. From the Visual to the Invisual, 2023, p.217. Je traduis. ↩︎
- Op. cit., p.211. Je traduis. ↩︎
- Ibid. ↩︎
- Op. cit., p. 212. Je traduis. ↩︎
- Laurent Nottale, L’Univers et la lumière, Cosmologie classique et mirages gravitationnels, Flammarion, Paris, 1994, p.11. ↩︎
- Lorraine Daston & Peter Galison, op.cit., p.461. ↩︎
- Heino Falcke & al. “Deep Horizon : A machine learning network that recovers accreting black hole parameters”, Astronomy & Astrophisics, 2020, p.1. Je traduis. ↩︎
- Katherine Bouman, “How to Take a Picture of a Black Hole?”, TED Talks, 2016 [en ligne, consulté le 22.04.2024 : https://www.youtube.com/watch?v=BIvezCVcsYs]. Je traduis. ↩︎
- Ibid. ↩︎
- Le procédé d’interférométrie à très longue base (Very Large Baseline Interferotmetry) est utilisé en astronomie pour effectuer les mesures de radiosources lointaines en reliant les antennes d’observatoire différents. Ces mesures disjointes sont ensuite rassemblées et corrélées afin de produire une image résultante. ↩︎
- John Durham Peters, “Can You Take a Picture of a Black Hole ?”, Radical Futures Symposium, University of Connecticut Humanities Institute, Digital Humanities and Media Studies [en ligne, consulté le 22.04.2024 : https://www.youtube.com/watch?v=jbT7ba6_l0E&t=313s]. Je traduis. ↩︎
- Ibid. ↩︎
- Peter Galison, “Images scatter into data – Iconoclasm and the Scientific Image”, entretien dans le cadre du cycle BEYOND MATTER? – A Revival of Clashes between Materiality and Representation, ZKM Karlsruhe, 2021 [en ligne, consulté le 20.04.2024 : https://www.youtube.com/watch?v=feOm6StmwUQ]. Je traduis. ↩︎
- Harun Farocki, “Phantom Images”, Public, 1 janvier 2004, n°29. ↩︎
- Aud Sissel Hoel, « Operative Images. Inroads to a New Paradigm of Media Theory » dans Operative Images. Inroads to a New Paradigm of Media Theory, De Gruyter, 2018, p.13. Je traduis. ↩︎
- Emilie Skulberg, The Event Horizon as a Vanishing Point: A history of the First Image of a Black Hole Shadow from Observation, PhD Thesis, University of Cambridge, 2021, p.205 et suivantes. ↩︎
- Les internautes ont établi des comparaisons humoristiques entre M87 et, notamment, des images médicales de col de d’utérus, de bagels, ou commentant la photo avec humour « Vu sur Amazon [trou noir d’Interstellar], délivré [image d’M87*] » au vu de la faible résolution de l’image scientifique. Cf. Emilie Skulberg, op.cit. ↩︎
- Monique Sicard, La Fabrique du regard, Paris, Odile Jacob, 1998. ↩︎
- Monique Sicard, op.cit., p.237. ↩︎
- Lorraine Daston & Peter Galison, op.cit., p.455. ↩︎
- Doeleman & al., “Event horizon-scale structure in the supermassive black hole candidate at the Galactic Center”, Nature, 2008 [en ligne, consulté le 11 avril 2024 : https://www.nature.com/articles/nature07245]. ↩︎
- Katherine Bouman, Extreme Imaging via Physical Model Inversion: Seeing Around Corners and Imaging Black Hole, Departement of Electrical Engineering and Computer Science, PhD Thesis, MIT, 2017, p.86. Je traduis. ↩︎
- Heino Falcke & al, op.cit., p.2. ↩︎
- Katie Bouman, « si nos algorithmes s’appuient trop sur les équations d’Einstein, nous ne finirons que par voir ce que nous espérons voir. […] Il nous faut une façon de dire à nos algorithmes à quoi les images ressemblent sans trop imposer de caractéristiques.», “How to Take a Picture of a Black Hole?”, op.cit. ↩︎
- Dans le film documentaire réalisé par Peter Galison, Black Hole : the Edge of All We Know, Netflix Production, 2020, on peut notamment entendre différents membres de l’EHTC exprimer leurs doutes quant à leur objectivité [vers 1h19] : « Nous voyons l’anneau, mais il faut être très sceptique. Vous savez, j’adorerais le voir, et c’est précisément ce qui me rend très méfiant envers moi-même et envers ce que je vois » ; « Nous devrions vraiment faire attention à ce que nous pensons voir » ; « Nous essayons d’être très prudents à ce sujet. Le pire serait de dire que nous avons vu l’ombre d’un trou noir et de découvrir plus tard qu’il s’agissait d’un artefact d’imagerie. » ↩︎
- Peter Galison, Philosophy of the Shadow, op.cit. ↩︎
- Ibid. ↩︎
- Katie Bouman, dans Black Hole: the Edge of All We Know, op.cit. [vers 1h20]. ↩︎
- Peter Galison, Philosophy of the Shadow, op.cit. ↩︎
- Jussi Parikka, ibid. ↩︎
- Bruno Latour, La Science en action, Paris, La Découverte, 1989. ↩︎
- Lorraine Daston & Peter Galison, op.cit., p.474. ↩︎
- Ibid, p.440. ↩︎
- Ibid, p.462. ↩︎
- Ibid, p.417. ↩︎
- Peter Galison, op. cit. ↩︎
- Ibid. ↩︎
- Lorraine Daston & Peter Galison, op.cit., p. 446. ↩︎
- Lorraine Daston & Peter Galison, op.cit. p.466. ↩︎
- Aud Sissel Hoel, “Operational Objectivity: From Human Computer to Digital Twins”, Photographs from Outer Space. A Female Archeology of Image Data, International conference 11-13 December, University of Milan, 2023. ↩︎
- Jussi Parikka, op. cit. ↩︎
