APPEL À CONTRIBUTIONS
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07 | 2025 Approches sensibles du handicap au cinéma : l’apport des disability studies
Rédacteurices en chef
Romain Chareyron (Université de la Saskatchewan)
Barbara Fougère-Danezan (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
Résumé de l’appel
Le septième numéro d’Images secondes se propose d’étudier l’apport des disability studies dans la remise en question de certaines modalités de représentation excluantes et/ou stigmatisantes de personnes en situation de handicap. Une fois établi le rôle des composantes historiques, politiques et culturelles dans les différentes acceptions du handicap, nous observerons comment certain·es artistes s’en emparent aujourd’hui afin d’en fournir une retranscription intime, subjective et non hégémonique. Nous souhaitons ainsi offrir un espace d’expression à celleux qui, en situation de handicap, œuvrent à faire naître de nouveaux modes de représentation, mais demeurent trop souvent invisibilisé·es, et proposer une compréhension affinée de la manière dont le handicap conditionne la réception et la création d’une œuvre.
Comme Lennard J. Davis en fait le constat, « contrairement aux questions afférant à la race, à la classe sociale, au genre, ou à l’orientation sexuelle, les études sur le handicap constituent un champ d’études relativement nouveau » (Lennard, 2002 : 10 – nous traduisons). C’est en effet à partir de la fin des années 1980 que l’on constate un intérêt du monde académique pour le champ des disability studies, majoritairement en provenance des pays anglo-saxons ou nordiques. La dimension interdisciplinaire des disability studies constitue l’une des raisons pour lesquelles ces dernières ont pris de l’ampleur dans ces pays, mais aussi pour lesquelles ce champ d’études peine encore à s’imposer dans la recherche française.
Si elles ne constituent pas une discipline académique indépendante, les disability studies sont néanmoins présentes au sein de la recherche française de manière transversale depuis plusieurs décennies et nourrissent les réflexions des chercheur·euses issu·es de domaines variés. C’est le cas dès les années 1970, avec les travaux du sociologue Bernard Mottez et, par la suite, ceux d’Alain Blanc ; ceux de Jean-François Ravaud dans le domaine de la santé publique ; ceux du philosophe et anthropologue Henri-Jacques Stiker, ou de la philosophe Monique Vial ; ou encore d’Isabelle Ville qui, avec le programme « Handicaps et Sociétés » de l’EHESS, propose un espace ouvert de rencontre entre disciplines, objets et chercheur·ses en sciences sociales autour des questions de handicaps.
Les disability studies postulent de fait que « les personnes concernées, qui sont actrices de leur devenir et de leur libération, sont considérées comme détentrices de savoirs propres » (Albrecht, Ravaud et Stiker, 2001 : 44). Ce numéro d’Images secondes prend ainsi racine dans ce qui constitue le cœur de ce champ de recherches, à savoir sa faculté à déplacer le regard porté sur le handicap en ouvrant un espace valorisant la parole et le vécu des individus en situation de handicap. Notre démarche est ainsi guidée par la volonté d’observer comment les disability studies ont autorisé un nouveau regard critique sur les images cinématographiques, permettant le développement de nouvelles formes audiovisuelles qui épousent avec une plus grande justesse le vécu des individus en situation de handicap, qui ne « contiennent » pas le handicap dans un discours curatif ou stigmatisant, mais observent les potentialités propres aux individus en situation de handicap. Ces œuvres doivent cependant être mises en perspective, puisque les liens entre handicap et cinéma ont, depuis de nombreuses années déjà, nourri le travail de chercheur·euses telles que la sociologue et philosophe Brigitte Lemaine qui, depuis les années 1980, réalise des documentaires sur l’histoire et la culture sourdes.
Nous nous demanderons donc de quelles manières les outils théoriques mis en place par les disability studies ont nourri la démarche créatrice de personnes qui ne perçoivent plus le handicap comme unique trait définitoire d’un individu, mais vont au contraire chercher à traduire la subjectivité de la personne qui fait l’expérience du handicap grâce à la puissance affective du médium audiovisuel.
Il nous faut comprendre cette volonté de « traduction » de l’expérience au sens benjaminien du terme, comme ne devant pas aspirer à remplacer le texte original, mais au contraire réfléchir sur l’écart entre l’original et la traduction, à ce qui différencie les langues, à ce qui les rend étranges et étrangères. Il en va de même pour les œuvres sur lesquelles nous souhaitons ici porter notre attention, en ce qu’elles ne cherchent pas à résorber l’écart pouvant exister entre la perception d’un individu ne faisant pas l’expérience du handicap et d’une personne en situation de handicap, mais souhaitent au contraire en faire un moteur de création. Ce numéro thématique invite ainsi à se pencher sur des œuvres dont le but premier est d’éviter l’essentialisation du handicap et de favoriser la diversité des approches de la construction de la personne en situation de handicap.
Si nous avons choisi de nous éloigner d’une approche purement chronologique et qualitative – qui reviendrait à se poser la question de savoir ce qui constitue une « bonne » ou une « mauvaise » représentation du handicap –, la problématique afférant à l’évolution des modes de représentation ne peut être entièrement omise et s’inscrit en filigrane à travers chacun des axes envisagés pour le numéro. Le choix de ces derniers trouve sa justification dans une volonté d’observer la manière dont l’émergence des disability studies comme champ d’études nous amène à reconsidérer les manifestations cinématographiques du handicap, ce dernier n’étant plus simplement compris comme un simple objet d’étude, mais se présentant désormais comme un outil d’étude et d’analyse. Une telle démarche part du constat qu’il est aujourd’hui possible de voir à travers le handicap, et non plus seulement de regarder le handicap, les disability studies ayant donné naissance à un vocabulaire, ainsi qu’à des outils critiques et à une manière de concevoir le handicap où celui-ci n’est plus perçu comme un frein, mais plutôt comme un moteur de création. Il s’agira alors d’offrir des éléments de réponse à la question de savoir ce que le cinéma peut apporter au handicap, et inversement.
Comité scientifique
Andrea Benvenuto (EHESS) – Gildas Brégain (CNRS, École des hautes études en santé publique) – Elena Chamorro (Université d’Aix-Marseille, Collectif anti-validiste CLHEE) – Dominique Chateau (Paris 1 Panthéon-Sorbonne) – Michèle Diotte (Université d’Ottawa) – Ninon Dubourg (Fonds de la recherche scientifique, Bruxelles) – Charles Gaucher (Université de Moncton, Nouveau Brunswick, Canada) – Mathias Lavin (Université de Poitiers) – Sarah Leperchey (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) – Marie Martin (Université de Poitiers) – José Moure (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) – Stéphane Rastello (Association Retour d’Image)