Regard contre regard

Anouk Phéline

Regard contre regard. Revoir Voyage en Italie

Résumé

Cet article revient sur le contexte de production et le processus de réalisation de mon essai audiovisuel Regard contre regard, consacré à l’analyse du film de Roberto Rossellini Voyage en Italie (1954). Il inscrit cette démarche de re-montage numérique dans la tradition expérimentale du found footage comme dans le champ des nouvelles pratiques cinéphiles en ligne. La forme de l’essai audiovisuel permet ainsi d’interroger concrètement la notion de post-cinéma à l’aune d’enjeux méthodologiques et esthétiques. 

Mots-clés 

video essay, essai audiovisuel, Roberto Rossellini, Ingrid Bergman, Voyage en Italie, found footage, montage numérique

Référence électronique pour citer cet article

Anouk Phéline, « Regard contre regard. Revoir Voyage en Italie », Images secondes [En ligne], 03 | 2022, mis en ligne le 16 février 2022, URL : http://imagessecondes.fr/index.php/2022/02/16/pheline/

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Lien de visionnage : https://vimeo.com/397832181

Méthodologie

Regard contre regard est un essai audiovisuel1 consacré au troisième long-métrage de Roberto Rossellini avec Ingrid Bergman, Voyage en Italie (1954), sur lequel porte également ma thèse. Invitée à présenter mes recherches à l’occasion du Festival parlé, durant la 42e édition du Cinéma du réel, j’ai conçu cette proposition en fonction du cadre matériel et intellectuel d’une journée d’échanges qui questionnait les liens entre l’écriture documentaire et la méthode du roman réaliste. Un format court s’imposait, les « interventions » des « chercheurs-créateurs »2 du doctorat SACRe ayant vocation à rythmer les tables rondes. Comment rendre sensible au public, en dix minutes, le rapport au réel qu’instaure l’écriture cinématographique de Rossellini à l’intérieur de la fiction ? La salle de cinéma où devaient se tenir les débats m’a incitée à créer une forme dont la projection sur grand écran réactive ce « dispositif dans lequel on regarde ce qu’on voit »3. Relecture de Voyage en Italie fondée sur le re-montage, sans voix off ni commentaire, Regard contre regard tend vers le ciné-poème plutôt que vers l’explication didactique4

Sur le plan technique et épistémique, ce geste de « remédiation »5 du film de Rossellini emploie les outils du montage numérique pour produire un nouveau régime d’attention, conjuguant l’expérience sensible à l’analyse. Il relève en cela du champ en expansion des video essays6, ces « pratiques créatives, critiques et performatives de l’étude des films »7 qui se sont développées avec l’accès aux technologies informatiques et à Internet. Travailler sur le matériau visuel et sonore lui-même conduit à interroger la spécificité du médium cinématographique à l’aide des moyens de visionnage contemporains. Un tel usage réflexif nous invite à comprendre la notion de post-cinéma non pas comme « une césure mais [comme] une transformation »8 qui rend hommage au cinéma – à son histoire, son langage, son dispositif – en nous amenant à le regarder autrement. 

Revoir : le montage comme geste d’analyse

Ce montage numérique reprend et retravaille les images et la bande-sonore de Voyage en Italie. Pour seuls éléments exogènes, il introduit une série de « vues »9 d’Italie datant du début du siècle, placées en ouverture, et des intertitres qui viennent ponctuer la succession des différents extraits. Le remontage, la comparaison avec un autre corpus d’images et l’insert d’indications écrites sont autant de stratégies pour guider la vision des fragments empruntés au film sans y superposer un commentaire en voix hors champ. Il s’agit ainsi de proposer un parcours dans le film plutôt qu’un discours sur le film, suivant le principe d’une analyse de l’image par l’image – et le son –, où « l’œuvre est offerte et discutée dans son propre langage »10, tel que l’a énoncé Raymond Bellour. 

Quelle connaissance de l’œuvre cinématographique peut-on produire par le montage ? Cet essai audiovisuel pose la question par la pratique et par l’expérimentation formelle. Il se centre sur trois séquences clés11 où la voiture sert de poste d’observation à l’actrice principale en même temps que de dispositif de tournage, permettant de capter sur le vif des scènes de rue. Ces brefs éclats documentaires, à la fois insistants et insaisissables dans le flux du film, marquent une irruption du réel dans la fiction. Regard contre regard ressaisit de tels moments de bascule pour rendre visible leur homologie structurelle, fondée sur la confrontation entre le regard-caméra d’Ingrid Bergman et les regards dérobés des êtres qu’elle croise sur sa route. L’arrêt sur image, le ralenti et le recadrage deviennent les outils d’une analyse microscopique12 du film qui en modifie la perception afin de focaliser l’attention sur les détails que recèle sa texture visuelle et sonore. 

Cette pratique de réappropriation d’un matériau filmique préexistant s’inscrit dans la tradition du cinéma de found footage qui procède par recyclage d’images trouvées – rushes, publicités, actualités, films, etc.. Elle se rattache plus particulièrement à la forme expérimentale de l’étude visuelle, définie par Nicole Brenez comme « une étude d’image par les moyens de l’image elle-même »13. Les travaux pionniers de Joseph Cornell, les œuvres vidéo de Jean-Luc Godard ou les films de Martin Arnold ont ainsi exploré les images produites par l’histoire du cinéma à travers leur remontage – que ce soit sur pellicule, sur bande magnétique ou en numérique. Il s’agit de susciter une « nouvelle visibilité du visible, à partir de ce qui a déjà été vu, ne fut-ce qu’imparfaitement »14.

C’est une telle vision au second degré, à la fois immersive et distanciée, que j’ai cherché à créer dans mon essai audiovisuel par les effets d’arrêt sur image, de suspension, de répétition, de focalisation. Deux films de remploi qui érigent en art le montage d’archives m’ont influencée sur le plan méthodologique aussi bien qu’esthétique : Dal polo all’Equatore (Du Pôle à l’Équateur) d’Angela Ricci Lucchi et Yervant Gianikian (1986) et Eût-elle été criminelle… (2006) de Jean-Gabriel Périot. En accord avec la position éthique de Périot, mon travail sur Voyage en Italie entend respecter l’œuvre-source tout en la modifiant : « Le processus de montage est visible, donc il ne s’agit pas d’un piège mais d’une façon de guider la lecture, d’une proposition de lecture de ces images »15.

Un regard qui traverse le temps

Regard contre regard s’ouvre, comme Voyage en Italie, sur la chanson napolitaine O’ Paese d’o sole, complainte populaire qui exalte le retour d’un émigré dans sa ville natale. J’ai choisi de couper le générique qui accompagne la bande-son pour ne conserver que le premier plan du film, synchrone avec le final du morceau : un travelling avant sur une route filant vers son point de fuite. Cette image tremblée en noir et blanc, prise à travers le pare-brise d’une voiture, est emblématique de la modernité cinématographique mais évoque aussi la « caméra embarquée » des opérateurs Lumière. Comment matérialiser à la fois sa filiation avec les origines du cinéma et sa radicale nouveauté ?

Pour historiciser le regard de Rossellini, j’ai remonté sur la musique du générique une série de films teintés des premiers temps qui renvoient à toute une mémoire cinématographique de l’Italie16. J’ai sélectionné des vues présentant une grande variété géographique et chromatique mais unies par le motif récurrent du train et prises dans un même mouvement de traversée du territoire. Ces fragments s’ordonnent spatialement vers la perspective frontale qui inaugure le film de Rossellini, comme s’ils faisaient partie d’un seul et même voyage – celui d’un regard qui traverse le temps. Le format de l’image varie pour se rapprocher peu à peu du 35mm caractérisant Voyage en Italie.  

Les inflexions de la mélodie O’ Paese d’o sole scandent le rythme visuel de ces paysages en couleurs qui se succèdent comme des lambeaux de mémoire, des images survivantes17. Le pays du soleil marqué par l’exil est aussi celui de la pellicule, dans sa matérialité indicielle, dont on contemple le fantôme numérique. Entrer dans le film de Rossellini à travers ce cinéma des origines tend à nous rappeler la distance technique et temporelle qui nous en sépare, malgré sa reproduction sur l’écran, pour retrouver son aura : « l’apparition d’un lointain, si proche soit-il »18

Frappé d’obsolescence par le numérique, le cinéma comme médium et comme dispositif pourrait acquérir une puissance nouvelle : au sentiment de perte, voire de deuil, répondrait dès lors une sacralisation rétrospective. L’archaïsme et la disparition même des procédures de prise de vue, de montage ou de projection caractéristiques du support argentique, nous inspireraient une forme de mélancolie pour ce qui apparaît désormais comme un moment historique : l’avènement du cinéma. 

Regard et contre-regards

Les intertitres « premier regard », « masque contre regard » et « le regard mis à nu » dramatisent « l’avventura du voir »19 qui se joue dans les trois séquences retenues de Voyage en Italie. Déjà, en 1954, Jacques Rivette singularisait le cinéma de Rossellini par « ces larges accords que sont au milieu de ses films tous les plans de regards : […] et chaque fois les deux plans, celui de la femme qui regarde, puis son regard »20. Ce faisant, la mise en scène oppose deux régimes de représentation pour saisir la fiction et le réel. D’un côté, le visage-icône de la star hollywoodienne, en gros plan, à la fois protégé et exposé derrière le pare-brise de sa Bentley. De l’autre, les « images sans focalisation »21 des êtres qu’elle voit en passant – animaux, hommes ou femmes, dont on ne parvient jamais à fixer les traits tant leur image est déformée par la vitesse du mouvement. 

Dans chaque fragment, j’ai conservé la structure du montage fondée sur le raccord de regard entre ces plans d’une « insuturable hétérogénéité »22. Le regard d’Ingrid Bergman qui incarne le Nord se heurte à la réalité inassimilable du Sud, successivement matérialisée par l’apparition d’un troupeau de buffles, d’une procession mortuaire et de femmes enceintes dans les rues de Naples. Scruté sans relâche par Rossellini, le visage expressif de l’actrice échappe à toute caractérisation psychologique pour se donner comme pure « image-affection »23 de cette expérience de l’altérité. Je l’ai isolé, répété, recadré comme un motif obsédant sans jamais épuiser son énigme. Symétriquement, j’ai fait resurgir les contre-regards qui lui font face et lui résistent dans l’image. 

L’œil de l’animal ou le visage d’une femme dans la foule, arrachés au flux qui les emporte, prennent alors la valeur de véritables contrechamps, par leur durée prolongée et l’échelle de plan rapprochée. Le ralentissement extrême de ces fragments documentaires, allant parfois jusqu’à l’arrêt, en décompose le mouvement image par image selon un effet quasiment chronophotographique. « C’est un geste d’emblée théorique, et cependant pleinement sensoriel »24 qui s’accompagne d’un traitement similaire du son afin de signaler explicitement l’intervention sur le matériau filmique. Ces moments de suspens se caractérisent par deux thèmes musicaux récurrents, créés à partir du tintement des cloches et du glas présents dans la bande-son originale de Voyage en Italie.  

Le dernier plan de mon remontage fait écho par sa composition au premier plan du film, dont il formerait comme le négatif. À l’esthétique de l’accélération initiale répond la progressive décélération de ce travelling subjectif découvrant le fourmillement d’une rue, la nuit, dans la semi-obscurité. Le mouvement de caméra perd dès lors de sa fluidité pour exposer tous les à-coups liés à ses conditions techniques d’enregistrement. Ce qui donnait l’illusion d’être un flot continu de piétons se révèle une série d’empreintes floues, incertaines, presque spectrales, à même la pellicule. Sur les premières mesures élégiaques d’O’ Paese d’o sole, elles aussi ralenties, la figure humaine semble vouée à l’extinction jusque dans sa trace matérielle : « ça a été »25, mais il n’y a personne. 

Le video essay comme exercice de l’attention 

Dans Regard contre regard, je « reconfigure »26 l’expérience spectatorielle de Voyage en Italie en utilisant la timeline de mon logiciel de montage comme une machine de vision. Cela me permet « d’arrêter les images, d’en modifier la vitesse de défilement [ou] de mettre tabulairement plusieurs films en rapport 27. La généralisation de ces modalités de lecture marquerait, d’après Alain Bergala, un « passage du linéaire au tabulaire »28 ayant révolutionné l’analyse du cinéma. En ce sens, on pourrait singulariser l’épistémè et la sensibilité post-cinématiques comme une « vision […] proprement analytique » du film qui donne « d’emblée la possibilité de le prendre comme somme indéterminée d’un nombre indéterminé de fragments »29. Cette évolution s’affirme dans le passage de la reproduction VHS à l’interactivité du support DVD et jusqu’aux manipulations potentiellement infinies qu’ouvrent l’encodage et le traitement numériques des données. 

La démocratisation des logiciels de montage semble alors ouvrir la voie à une critique audiovisuelle créative qu’Adriano Aprà définit par son inventivité formelle : « il s’agit pratiquement d’œuvres expérimentales autonomes par rapport au matériau initial »30. L’essor des video essays diffusés sur Internet témoigne-t-il de cette vitalité esthétique ? Si les nouvelles pratiques cinéphiles ont tendance à générer leurs propres poncifs, comme le supercut – montage rapide de nombreux extraits de films soulignant leurs similarités –, des objets singuliers n’en émergent pas moins au sein de la prolifération des images. Ainsi, les formats d’analyse de films inventés par Kevin B. Lee ou Chloé Galibert-Laîné  substituent à la logique virale des nouveaux médias des modes inédits de reprise critique : desktop documentary, mise en abyme, autofiction, etc. 

Mon essai audiovisuel Regard contre regard n’a finalement pas pu être projeté en salle : il a été présenté en ligne lors d’une séance virtuelle de la 43e édition du Cinéma du réel.  Élaboré sur ordinateur à partir d’un fichier du film Voyage en Italie transmis par e-mail,  il a désormais rejoint sur Youtube l’univers d’un post-cinéma entièrement mis en réseau. Or peut-être est-ce précisément là, sur une plateforme où le flux vidéo est intarissable, que son esthétique du ralentissement et de la raréfaction des images prend tout son sens. L’accès gratuit, apparemment illimité, aux contenus médiatiques permis par le numérique peut susciter, à rebours de leur consommation passive, une « écologie de l’attention »31

Se concentrer sur quelques minutes d’un film réalisé il y a près de soixante-dix ans, explorer son épaisseur temporelle, scruter le détail de sa construction, prend valeur d’un choix au présent : regarder ces images, et seulement ces images, sans se laisser distraire. L’acuité même de la perception tient à la possibilité d’« entrer » dans la texture visuelle et sonore du film que donnent les moyens techniques désormais largement accessibles. Cet exercice de l’attention allant et venant entre argentique et numérique, réel et fiction, veut ressaisir le geste de Rossellini dans son étrangeté native mais aussi donner à voir toute la profondeur que lui confère la distance du temps.


Anouk Phéline

Ancienne élève de l’ENS Ulm, Anouk Phéline est doctorante en histoire et théorie du cinéma à l’École normale supérieure-PSL au sein du laboratoire SACRe, en cotutelle avec l’Università Degli Studi di Milano. Sa thèse, sous la direction d’Antoine de Baecque et d’Elena Dagrada, est consacrée à l’analyse génétique du film Voyage en Italie (1954) de Roberto Rossellini. Ce travail d’archives s’accompagne de la réalisation de plusieurs essais vidéos et d’une enquête de terrain sur les lieux du tournage. Anouk Phéline collabore également aux activités éducatives du festival de Locarno et de l’International Filmmaking Academy à Bologne.


  1. À la suite de Cristina Álvarez López et Adrian Martin, j’emploie le terme d’« essai audiovisuel » de préférence à celui d’« essai vidéo » ou d’« étude vidéographique » pour mettre l’accent sur la dimension visuelle et sonore du travail de montage et éviter de renvoyer à une technologie vidéo déjà obsolète : Cristina Álvarez López et Adrian Martin, « The One and the Many: Making Sense of Montage in the Audiovisual Essay », The Audiovisual Essay: Practice and Theory of Videographic Film and Moving Image Studies, septembre 2014 [en ligne]. URL : https://reframe.sussex.ac.uk/audiovisualessay/frankfurt-papers/cristina-alvarez-lopez-adrian-martin/, consulté le 15 novembre 2020.
  2.  Je reprends les termes utilisés dans le texte de présentation du Festival parlé pour préciser le cadre défini par Alice Leroy, la coordinatrice de l’évènement : « Le Festival parlé. Littérature et documentaire : filiations et affinités », Cinéma du réel. 42e festival international du film documentaire, Paris, Bibliothèque publique d’information, 2020, p. 147 [catalogue en ligne]. URL : http://www.cinemadureel.org/wp-content/uploads/2020/03/Catalogue_CinemaduReel2020_WEB.pdf, consulté le 15 novembre 2020.
  3. Telle est la définition du dispositif cinématographique donnée par Jacques Aumont : « Pour le dire lapidairement, le dispositif cinématographique, c’est le dispositif dans lequel on regarde ce qu’on voit, et en ce sens, il s’oppose à tous les autres dispositifs d’image mouvante, dont aucun ne programme la tenue d’un regard. » Jacques Aumont, « Que reste-t-il du cinéma ? », Rivista di estetica, n° 46, mars 2011, mise en ligne le 30 novembre 2015, p. 25 [en ligne]. URL : http://journals.openedition.org/estetica/1634, consulté le 15 novembre 2020.
  4.  Il s’agit des deux extrémités du spectre défini par Christian Keathley pour classer les diverses formes de video essays, dans son article « La caméra-stylo: Notes on Video Criticism and Cinephilia », dans Alex Clayton et Andrew Klevan (dir.), The Language and Style of Film Criticism, Routledge, London-New York 2011, pp. 176-191.
  5.  Jay David Bolter et Richard Grusin, Remediation. Understanding New Media, Cambridge, MIT Press, 1998.
  6. J’emploie le terme de video essay en référence à un champ de pratiques et d’élaborations théoriques particulièrement développé dans le monde anglo-saxon. C’est aussi le terme générique retenu par Chiara Grizzaffi dans son important article en italien donnant une perspective historique sur ces formes contemporaines : « Dal critofilm al video essay: scritture per immagini in rete », dans Adriano Aprà (dir.), Critofilm. Cinema che pensa il cinema, réalisation de l’e-book par Eugenio De Angelis, Pesaro, Fondazione Pesaro Nuovo Cinema Onlus, 2019 (1ère éd. 2016),pp. 74-159.
  7. Catherine Grant, « How long is a piece of string? On the Practice, Scope and Value of Videographic Film Studies and Criticism », The Audiovisual Essay: Practice and Theory of Videographic Film and Moving Image Studies, September, 2014 [en ligne]. URL : https://reframe.sussex.ac.uk/audiovisualessay/frankfurt-papers/catherine-grant/, consulté le 15 novembre 2020.
  8. Shane Denson et Julia Leyda (dir.), Post-Cinema: Theorizing 21st-Century Film, Falmer, Reframe Books, 2016, p. 2 (nous traduisons).
  9. Il ne s’agit pas de vues à strictement parler, telles les premières vues Lumière qui sont constituées d’un seul plan, mais de courts films montés dont j’ai extrait des fragments. J’emploie néanmoins le terme de « vue » car il renvoie à la technique du premier cinéma, que ces plans veulent évoquer, comme à une longue tradition picturale et photographique de représentation de l’Italie : les vedute. Les extraits sont tirés de films restaurés et édités en DVD : Andrea Meneghelli (dir.), Grand Tour Italiano. 61 films from early 900’s, coffret de deux DVD incluant un livret, Éd. Cineteca di Bologna, 2016.
  10. Raymond Bellour, « Images sur l’image », La Nouvelle Revue Française n°157, janvier 1966, p. 176. Ce texte a été republié en fac-similé dans le livre-somme consacré à la question du cinéma qui pense le cinéma par Adriano Aprà : Critofilm. Cinema che pensa il cinema, op. cit., pp. 1151-1156.
  11. Les extraits sont tirés de la première séquence du film, où le couple Bergman-Sanders approche de Naples [00:03:00 – 00:07:57], et des deux premières traversées de la ville par Bergman, désormais seule [00:25:37 -00:26:53] et [00:39:12 – 00:40:44]. J’ai travaillé sur la plus récente restauration de la version internationale du film, à partir d’une copie numérique de qualité supérieure à celle disponible en DVD et obtenue auprès de son distributeur français : Journey to Italy, France/Italie, 1954, réalisé par Roberto Rossellini, 97’, restauré en 2012 par l’Istituto Luce Cinecittà, la Cineteca di Bologna, le CSC-Cineteca Nazionale et Coproduction Office dans le cadre du Projet Rossellini. Cette version a été éditée en DVD par la Collection Criterion en 2013 dans son coffret 3 films by Roberto Rossellini starring Ingrid Bergman.
  12. Je me réfère au modèle d’analyse théorisé par l’historien de l’art Daniel Arasse dans son ouvrage Le Détail. Pour une histoire rapprochée de la peinture, Paris, Flammarion, 1992.
  13. Nicole Brenez, « L’étude visuelle. Puissance d’une forme cinématographique », De la figure en général et du corps en particulier, Paris, De Boeck, 1999, p. 313.
  14. André Habib, « Du found footage en général, et des films de Angela Ricci Lucchi et Yervant Gianikian en particulier », Hors champ, octobre 2006 [en ligne]. URL : https://www.horschamp.qc.ca/spip.php?article226, consulté le 15 novembre 2020.
  15. Jean-Gabriel Périot, « Eût-elle été criminelle… – Propos du réalisateur. La République du symbole », entretien avec Jean-Gabriel Périot réalisé par Laurence Moinereau, dossier du site de l’université populaire des images [en ligne], 2009. URL : https://upopi.ciclic.fr/voir/les-courts-du-moment/eut-elle-ete-criminelle-de-jean-gabriel-periot/eut-elle-ete-criminelle-propos-du-realisateur, consulté le 15 novembre 2020.
  16. Andrea Meneghelli (dir.), Grand Tour Italiano. 61 films from early 900’s, op. cit. Les fragments repris dans Regard contre regard sont tirés des cinq films suivants : Atraverso la Sicilia, réalisé par Piero Marelli, produit par Tiziano Film, Italie, 191?, couleur, 5’. Restauré par le Museo Nazionale del Cinema de Turin au laboratoire Haghefilm à partir d’une copie positive teintée et virée ; Un Giorno a Palermo, produit par Lucarelli Films, 1914, couleur, 6’, intertitres en français. Restauré par la Cineteca di Bologna au laboratoire L’Immagine Ritrovata à partir d’une copie positive teintée ; Nella Svizzera Italiana, réalisé par Piero Marelli, produit par Tiziano Film / Pasquali Film, Italie, 191?., couleur, 8’. Restauré par le Museo Nazionale del Cinema de Turin au laboratoire Haghefilm à partir d’une copie positive teintée et virée ; Excursion en Italie – De Naples au Vésuve, produit par Pathé frères, France, 1904, couleur, 4’, intertitres en espagnol. Restauré par la Cineteca di Bologna au laboratoire L’Immagine Ritrovata à partir d’une copie positive teintée ; [Monreale], couleur, 5’. Restauré par la Cineteca di Bologna auprès du laboratoire L’Immagine Ritrovata à partir d’une copie positive teintée conservée au BFI National Archive et provenant de la collection Joye.
  17. Georges Didi-Huberman, L’image survivante. Histoire de l’art et temps des fantômes selon Aby Warburg, Paris, Les Éditions de Minuit, col. Paradoxe, 2002.
  18. Walter Benjamin, L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, Œuvres III, Paris, Gallimard, 2000, p. 280. Appliquée au cinéma, cette définition nuance la thèse de Benjamin selon laquelle l’aura de l’œuvre d’art – l’expérience de son unicité –, aurait été perdue avec la reproductibilité inhérente à la photographie et au cinéma.
  19. Alain Bergala, « Voyage en Italie » de Roberto Rossellini, Crisnée, Yellow Now, 1990, p. 54.
  20. Jacques Rivette, « Lettre sur Rossellini », Cahiers du cinéma, n° 46, avril 1955, p. 22.
  21. Alain Bergala, « Voyage en Italie » de Roberto Rossellini, op. cit., p. 52.
  22. Ibid., p. 50.
  23. Gilles Deleuze, Cinéma 1. L’image-mouvement, Paris, Ed. de Minuit, col. Critique, 1983.
  24. Jacques Aumont, « Que reste-t-il du cinéma ? », op. cit., p. 22. Il qualifie ainsi l’arrêt sur image et non les autres manipulations permises par la vidéo et le numérique. Cependant, il me semble que la méthode de décomposition image par image que j’ai adoptée peut se concevoir dans son ensemble comme une modalité de l’arrêt sur image.
  25. Roland Barthes, La Chambre claire, Paris, Ed. Cahiers du Cinéma, Gallimard, Seuil, 1980, p. 129 : « Une photographie ne fait pas revenir ce qui est aboli par le temps ou la distance. Elle produit un effet d’un autre genre : cela que je vois, cette chose unique, elle a bien été, c’est certain ».
  26. Le concept de « reconfiguration » du cinéma à l’ère post-média a notamment été développé par Miriam de Rosa et Vinzenz Hediger (dir.), « Post when? Post what? Thinking the Moving Image Beyond the Post-Medium Condition », Cinema & Cie, numéro spécial, XIV, n° 26/27, 2017, p. 17.
  27. Alain Bergala, « Du tabulaire dans le critofilm », dans Adriano Aprà (dir.), Critofilm. Cinema che pensa il cinema, op. cit., p. 1083. 
  28. Ibid., p. 1081. Bergala précise (p. 1083) les implications de ce paradigme : « Les outils numériques ont rendu ultra-facile et quasiment instantané l’accès aux copies vidéo (en DVD, sur internet), le prélèvement et la mise en rapports de plans ou de scènes provenant d’un même film ou de films différents, et ont permis de réaliser des critofilms d’un type nouveau, accordant une confiance plus grande à la croyance que “le cinéma pense” en amont des mots. » 
  29. Jacques Aumont, « Que reste-t-il du cinéma ? », op. cit., p. 24.
  30. Adriano Aprà (dir.), « Critofilm. Verso nuove forme di critica e di saggistica », op. cit., p. 48 (nous traduisons). 
  31. Yves Citton, Pour une écologie de l’attention, Paris, Seuil, 2014.